Dossier Harold Cole (1) Maurice Dechaumont.
Page créée le 2  juillet 2022 - Dernière modification de la page  le  14 novembre 2023
     Préambule : 

    Le dossier lié au Sergent de l'armée anglaise Harold COLE est un dossier régulièrement réouvert par de nombreux historiens grâce aux archives progressivement déclassifiées et a également fait l'objet d'une importante bibliographie notamment anglo-saxonne. On peut citer une des plus célèbres : "Turncoat - The strange case of British Traitor Sergeant Harold COLE - The worst traitor of the war du reporter américain Brendan M. MURPHY".

     Beaucoup plus modestement, je me suis intéressé à l'histoire de ce "traître" anglais en tentant de le replacer dans le contexte des années 1940-1941 pour les départements du Nord de la France avec les embryons de filières d'exfiltration qui s'y sont créés très rapidement à l'été 1940.  Anecdotiquement, son dossier d'enquête retrouvé dans les Archives des services secrets anglais fait plus de huit cents pages;  ce qui tendrait à prouver que les autorités anglaises avaient suivi ce dossier de près.

     Le Sergent Harold COLE s'est progressivement intégré à une de ces filières d'exfiltration qui tentait de faire évacuer vers la zone non occupée, des militaires britanniques cachés chez les habitants de la zone nord. Ces militaires britanniques provenaient d'unités dispersées, démantelées à la suite de l'attaque foudroyante de l'armée allemande en mai 1940 ou échappés des convois après avoir été faits prisonniers.

     Le groupe de personnes directement lié à Harold COLE dans les régions du Nord, c'est environ une petite centaine de militaires exfiltrés. Leur dernier groupe convoyé composé de 15 aviateurs et soldats de l'artillerie ou de l'infanterie britannique a été regroupé à la gare de MARLES LES MINES fin octobre 1941 pour arriver à MARSEILLE quelques jours plus tard. Au final, le nombre total représente environ 3 à 4% des militaires britanniques (hors aviateurs)  qui ont réussi à regagner l'Angleterre.

     Force est de constater que d'autres filières ont donc agi, mais sans forcément connaître  le "succès bibliographique" de la filière COLE qui amenait leurs protégés vers Donald CASKIE, Ian GARROW etc... à MARSEILLE. Beaucoup de ces Résistantes et Résistants de la première heure ont été finalement doublement oubliés : d'une part en raison de la précocité de leurs discrètes actions et donc plutôt méconnues (parfois dès la fin juin 1940), et, d'autre part, par un nombre probablement moins important de recherches entreprises sur le sujet par un possible manque d'archives. (Les rapports d'évasion des soldats qui auraient pu témoigner de leurs activités sont souvent très sommaires pour les années 1940-1941, ils seront nettement plus étoffés par la suite. Les annexes C de ces rapports si importantes pour retrouver les noms de leurs aidants sont introuvables dans les archives anglaises. Elles ne sont consultables qu'à partir du 600ème évadé.) A ce jour, pour ces Résistantes et Résistants de la première heure attachés à trouver des moyens et à rechercher des trajets pour faire repartir les militaires britanniques en Angleterre, il m'a été possible d'en dénombrer plus de six cents dans nos départements du Nord de la France et un nombre tout aussi important en Belgique. Qui se souvient de Jeanne HUYGE, Madeleine MARTINACHE, Edouard PIETERS et son épouse, Fernand SALINGUE, Berthe CATEAU, Charles et Madeleine DAMERMENT, Auguste DEAN, Marcel DUHAYON, Cécile HERMEY, Jeanne et Yvonne PACHY, Berthe SPRIET, Berthe CAMPION, James SMITH, Fernande CHEVALIER et bien d'autres encore....

     Combien de monuments, notamment vers les Pyrénées, font état des réseaux d'évasion et des aviateurs qui ont passé les montagnes pour regagner ensuite l'Angleterre via Gibraltar, très peu, voire quasiment pas, citent les militaires "simples soldats" de l'armée britannique, amenés dans le Sud par des personnes souvent originaires des régions Nord de la France ou de la Belgique et sur les pas desquels se sont construits ensuite les grands réseaux d'évasion beaucoup plus connus que les anonymes cités ci-dessus.

      C'est donc par un anonyme, un Résistant qui n'a ni plaque en son honneur, ni rue à son nom, ni livre écrit à son sujet, que je propose cette page directement liée au dossier du Sergent Harold COLE : Maurice DECHAUMONT de WAMBRECHIES.  Et pourtant....

    Pourquoi avait-t-il fallu exfiltrer ?

    D'un très grand nombre de rapports d'évasion des militaires britanniques de la B.E.F rentrés en Angleterre (British Expeditionnary Force) que j'ai pu traduire de l'anglais, se dégage un dénominateur commun : l'attaque allemande partie des Ardennes a été fulgurante et violente. " 
Les barrages anti-chars que nous avions édifiés près de Calais  ont été inefficaces, les chars allemands les ont rapidement détruits et ne se sont même pas arrêtés !" ...... "Mon unité a été cassée en deux par le passage d'une colonne blindée allemande à DOULLENS."......"Ils avançaient plus vite que nous ne reculions"......"Sans munitions, on a été rapidement encerclé et notre officier nous a dit de nous rendre"......"ALors que nous tentions de rallier Dunkerque, on a été encerclé par une colonne blindée allemande".....etc....

     L'éclatement des unités a donc eu pour conséquence directe l'errement d'un très grand nombre de militaires britanniques et français dans les régions nord et la Belgique. Après avoir perdu contact avec leur unité, sans ravitaillement, beaucoup ont donc été pris en charge chez l'habitant ou ont occupé les maisons vidés de leurs occupants fuyant l'avance allemande en évacuant ou se sont réfugiés dans les bois et les forêts. Sont venus s'ajouter à cette immense pagaille, les militaires qui s'échappaient des colonnes de prisonniers envoyés le plus souvent à pied, en Allemagne.

     Madame Debrez de Comines raconte : "A l'été 1940, après la défaite, dans presque chaque maison de Comines, on pouvait trouver un militaire anglais !".  Une description peut-être exagérée mais qui montre bien le chaos qui régnait en mai juin 1940 pour les unités britanniques qui n'avaient pas pu rejoindre Dunkerque afin d'y être réembarquées pour l'Angleterre.

     Une poignée d'hommes et de femmes ont alors commencé à aider ces soldats, politiquement de tous horizons, toutes classes sociales confondues, par idéal patriotique ou par idéal politique. Certaines de leurs actions ont eu une portée limitée mais importante humainement  pour ces hommes : nourriture aux abords des camps de prisonniers, vêtements civils pour ceux qui étaient cachés, visites et distribution de colis dans les hôpitaux voire même dans les prisons, et, progressivement, il a fallu envisager de leur faire quitter le plus tôt possible la région nord devenue Zone interdite pour les emmener vers la Zone non occupée via la Zone occupée, en raison de la féroce répression que l'occupant avait commencé à mettre très rapidement en place mais également pour soulager financièrement les familles hébergeuses et les protéger des risques de dénonciation et d'arrestation. L'armée allemande n'était pas arrivée seule, des hommes formés à réprimer sévèrement toute velleité de résistance suivaient la Wehrmacht pour s'installer durablement dans les régions conquises. Mais Par où passer ? Quel route prendre ? Pour aller où ? Vers quel lieu précis ? Comment se procurer les papiers nécessaires au passage des frontières imposées à l'intérieur de la France ? Avec quel argent pour se déplacer ? 

     Cette poignée d'hommes et de femmes a donc fait preuve d'une incroyable débrouillardise doublée d'un courage hors du commun. Des bruits couraient que dans telle ville, on pouvait trouver de l'aide, on faisait donc appel aux connaissances, aux relations d'avant guerre sans forcément  prendre toutes les précautions d'usage en de telles circonstances. Cécile HERMEY qui descend à Marseille à la Noël 1940 avec deux soldats britanniques indique dans un rapport d'après-guerre: "On avait entendu dire qu'un pasteur anglais accueillait les militaires dans sa mission à Marseille...". Pendant que certains tentaient de rejoindre le sud de la France par le train, d'autres permettaient aux blessés de s'enfuir des hôpitaux en les cachant dans leur voiture (Etta SHIBER et Kate BONNEFOUS de Paris viennent jusqu'à l'hôpital de DOULLENS pour prendre en charge des militaires britanniques recroquevillés dans la malle arrière de leur voiture où viennent chercher un Capitaine anglais chez un ami d'avant guerre, rue Solférino à LILLE, pour l'amener en train jusqu'à LIBOURNE dans la maison de l'ex-mari , marchand de vins. On trouvera bien un passeur qui nous fera traverser la ligne de démarcation ! ). Ce sont les premiers mois de la débrouille, de l'intuitif, des déplacements   connus d'avant-guerre et des relations entre des liens déjà noués, d'autres se noueront ensuite par connaissances communes.

     Très rapidement, on s'organise, on tisse des réseaux, on connaît des personnes qui peuvent faire, des personnes qui peuvent renseigner, des personnes qui connaissent les ficelles pour braver les ordres de l'occupant, des personnes qui fabriquent des faux-papiers, des personnes qui copient les tampons des administrations allemandes et françaises...... On poursuit le travail réalisé notamment par les filières belges. On exploite chaque piste. On découvre d'autres points de passage pour la ligne de démarcation : ATHEE SUR CHER, BLERE, VIERZON, MONTRICHARD ou LANGON (pour le groupe d'Edouard PIETERS de Roubaix. (Fusillé au Fort du Vert Galant à WAMBRECHIES le 23 avril 1942, son épouse Marcelle ne rentrera pas de déportation), CHALON-SUR-SAONE. Pour la zone interdite: ABBEVILLE bien évidement mais aussi CHAUNY, TERGNIER, les marais de la rivière SOMME.... On n'oublie pas de développer le renseignement pour informer les autorités anglaises. On donne aux évadés des plans d'aérodromes, d'usines, des défenses allemandes, minutieusement cachés dans les ceintures, dans les doublures des vestes. Il a fallu tout inventer, tout construire avec des moyens rudimentaires et dérisoires tout en tentant d'éviter les nombreux contrôles sans ne jamais être à l'abri d'une dénonciation. 

      Maurice DECHAUMONT a été l'un de ceux qui ont osé.

      Comment le puzzle de ses activités de Résistance a-t-il pu être reconstitué ? 
     
    A ce jour, et à ma connaissance,  il n'a laissé aucun écrit. C'est par petites touches, par la consultation de documents multiples et variés, de petites informations retrouvées au sein d'un rapport, de documents signés de sa main extraits des archives belges, qu'il m'a été possible de reconstituer une liste de faits permettant de conclure que cet homme avait réalisé un travail assez remarquable au sein d'un des tous premiers groupes de Résistance française. Le mystère reste entier sur les motivations de son engagement dans la Résistance.

     Maurice Antoine DECHAUMONT est né le 30 juin 1903 à GOURNAY EN BRAY en Seine-Maritime, appelée alors Seine Inférieure. Il était employé à la S.N.C.F à la gare de Lille et habitait au 56 rue de Lille à WAMBRECHIES. Il a  été arrêté le 8 décembre 1941 à son bureau de Lille, incarcéré à Loos-Lez-Lille, classé NN (NACHT und NEBEL donc appelé à disparaître sans laisser de trace) déporté à BOCHUM le 5 août 1942 puis ESTERWEGEN, KAISHEIM et DACHAU. Il est libéré le 9 avril 1945 et rentre en France le 29 avril 1945. (De très nombreuses personnes arrêtées également dans le cadre de la même affaire sont partis en déportation dans le même train que Maurice DECHAUMONT depuis Lille le 5 août 1942 vers Bruxelles : l'Abbé CARPENTIER, Désiré DIDRY, Protais DUBOIS, Bruce DOWDING, Géry et Madeleine BEAUSSART, Jean BOURGUIGNON, Berthe CAMPION, Wladimir DE FLINGUE, Auguste DEAN, Madeleine DERAM, Albert DUEZ, François DUPREZ, Maxime FREROT, Henri PICOT, Eugène RINGEVAL, Henri MILLEZ, Marcel DUHAYON, Raphaël AGELLO, Jeanne PACHY....)

      Son arrestation du 8 décembre 1941 est directement liée à celle du Sergent anglais Harold COLE, le 6 décembre 1941 à LA MADELEINE LEZ LILLE. Harold COLE, surveillé depuis de longs mois par au moins deux agents de l'Abwehr de Lille (dont le Hollandais  Cornelius VERLOOP) est arrêté chez sa maîtresse Madeleine DERAM. Emmené boulevard de la Liberté à Lille, il ne tarde à "se mettre à table" et très facilement retourné par le chef de l'Abwehr de la STELLE de LILLE. Après avoir participé très activement à l'arrestation de nombreux Résistants à SAINT-OMER, LILLERS, PARIS il réussit (ou on le laisse s'enfuir !) à "s'éclipser" dans PARIS. Arrêté à LYON en juin 1942, par la Surveillance du Territoire en compagnie de Suzanne WARENGHEM, une autre de ses maîtresses qui deviendra ensuite sa femme pour quelques mois, Suzanne WARENGHEM est interrogée par l'Inspecteur spécial Albert GIRAUD et, au cours de cet interrogatoire, elle doit répondre à la question suivante : "Connaissez-vous Mr DECHAUMONT, Mr PEUTE ou Mr DIDRY-VASSEUR ?". Elle répond qu'elle n'en a jamais entendu parler. Maurice DECHAUMONT était donc connu de la Police de VICHY comme membre de la  filière d'évasion Ian GARROW - Pat O'LEARY et au sein de laquelle Harold COLE convoyait depuis LILLE jusqu'à MARSEILLE tout en ayant alors l'entière confiance du chef de la filière, l'Ecossais Ian GARROW. Messieurs  PEUTE et DIDRY, d'ABBEVILLE et de SAINT-OMER étaient des relais essentiels sur le parcours de la ligne d'évasion. (Sources rapports KV2 du M.I.5 britannique dans lequel on trouve la copie du rapport de l'Inspecteur spécial GIRAUD de la Police française). Sans surprise, on savait que le contre-espionnage allemand, très actif, connaissait les noms des membres de cette filière mais beaucoup plus étonnamment la Police de Vichy.

     Dans son livre "Même combat dans l'ombre et la lumière", Henri DUPREZ indique que Maurice DECHAUMONT était en contact avec Auguste  DEAN. Dépositaire en matériel électrique à LILLE. Auguste DEAN appartenait à la filière Ian GARROW-Pat O'LEARY. Arrêté le 6 décembre 1941, il a également été déporté. Dans ce même livre, Jean CHEVALIER de ROUBAIX le cite dans son témoignage.

     Reconnu après guerre comme "French Helper" par les autorités alliées pour avoir aidé à l'exfiltration de leurs ressortissants, on peut lire dans son dossier qu'il a, dès juillet 1940, prit en charge des soldats britanniques à LA MADELEINE, TOUFFLERS. Il collecta des vêtements de l'argent, de la nourriture pour ces soldats. Tous les noms des militaires aidés étaient connus de Madeleine DESCAMPS (?) et détruits plus tard lors des arrestations. Maurice DECHAUMONT était également en contact avec Madeleine et Géry BEAUSSART, bouchers à LA MADELEINE (morts en déportation). Il était sous les ordres directs de François DUPREZ, employé administratif à la mairie de LA MADELEINE (mort en déportation).

 Les motifs de son arrestation notés dans ce dossier "French Helper" sont les suivants :
  • Rapatriements de soldats anglais dès juin 1940. Il appartenait à la chaine DAMERMENT. (Charles DAMERMENT était receveur des Postes à MARQUETTE, Madeleine DAMERMENT, sa fille était convoyeuse. Après la trahison de COLE, elle s'enfuiera de France en passant les Pyrénées, puis parachutée en France, arrêtée, elle sera exécutée d'une balle dans la nuque en Allemagne. Dans son interrogatoire du 29 juin 1942 à Londres, on note dans son rapport : "....revenue du sud de la France avec sa jeune sœur Charline qui était avec elle à ce moment-là, elles retournèrent à LILLE. Quand elles arrivèrent chez elles, elle trouvèrent la maison remplie. Il y avait en effet une dizaine de Britanniques qui s'y cachaient. De nombreux Britanniques à l'époque étaient envoyés dans des camps spéciaux et essayaient de se cacher chez des particuliers.  Elle y a aussi trouvé une Mme GARDNER avec ses trois filles (née DELIESSCHE, elle habitait WAMBRECHIES, elle rejoindra ensuite le sud de la France puis l'Angleterre - Surveillée par les Allemands pour avoir hébergé des militaires britanniques, elle fut contrainte de se cacher et de quitter WAMBRECHIES) , une Canadienne et deux autres qui étaient connus comme JOHN et RENY. JOHN et MACLEYLAND se cachaient depuis un certain temps dans un hôpital de HAZEBROUCK. Madeleine était bien sûr étonnée de voir autant de monde et il n'y avait même pas assez de place pour elle dans la maison. Sources : Dossiers KV 2 du M.I.5 ) et VOGLIMACCI de LA MADELEINE 
  • Création des corps francs à Wambrechies, Marquette, Comines et Armentières 
  • Création d'un service de renseignements "Transports" dont le siège était situé chez Mme GALLET, rue Brûle Maison à LILLE 
  • Rédaction de tracts sous le titre X10. 
     Quant à la GFP III de LILLE, elle indique les motifs suivants pour son arrestation : aide à l'ennemi, espionnage, aide à Anglais, détention d'armes.

    Dans son dossier "French Helper", on retrouve également une attestation du Médecin belge Albert GUERISSE (devenu Chef de la filière d'évasion Pat O'LEARY après l'arrestation de Ian GARROW) pour appartenance à son réseau et, avec pour conséquence, trois années de déportation (Voir document en fin de page). Attestation complétée par le liquidateur du réseau, René FRECHOU, qui atteste de son appartenance au réseau et de son arrestation dûe aux dénonciations d'Harold COLE.

     En 1989, René LONDOZ, ancien membre de nationalité belge du réseau COMETE, a établi une liste de plus de 1 200 membres de son réseau. On y retrouve  Maurice DECHAUMONT comme agent de cette ligne d'évasion (Sources : Comète Remembrance Belgique)

      Brendan M.MURPHY cité plus haut écrit dans son livre sur Harold COLE : "A intervalles réguliers, le COLE a recueilli des informations sur les installations allemandes et les mouvements de troupes dans l'appartement lillois d'une jeune femme nommée Marie-Louise GALLET. L'un des meilleurs sous-agents de COLE était l'employé des chemins de fer français Maurice DECHAUMONT. Ses dix enfants lui valurent le nom de code "X-10". DECHAUMONT avait obtenu des plans d'aérodromes et de transports militaires allemands."

      Le Professeur Fernand HOLWECK était physicien à l'Institut du radium à PARIS. Fin 1940, avec son fils Jacques, ils construisaient des postes émetteurs. ll avait mis au point un poste émetteur auto-commandé à grande puissance indétectable par le gonio ou le radar. Son dossier au S.H.D de Caen indique que c'est sans doute sa secrétaire Melle KIRMAN , rue des Quatrefages, Paris, qui l'introduisit au réseau d'évasion. Des soldats et des aviateurs britanniques venant du Nord de la France étaient convoyés jusqu'à PARIS par un nommé Paul COLE (Richard GODEFREY, alias Paul COLE, alias Harold COLE, alias Paul DELOBEL, etc) et de là en zone libre. Serge DE FLIGUE fabriquait des cachets, Mr SOUILLE faisait de faux tampons d'Ausweiz, le Professeur fabriquait également des faux-papiers pour les évadés. 

     Arrêté le 11 décembre 1941 avec ses adjoints DE FLIGUE et SOUILLE, il est atrocement torturé et meurt à la prison de la santé à PARIS. Le dossier a donc été rempli par son épouse et son fils : "Paul COLE demandait 10 000 frs par individu passé. Mme Fernand HOLWECK et son fils JACQUES savent peu de choses sur cette partie de l'activité du professeur, celui-ci se montrait très réservé à ce sujet. Il voulait que sa famille en sache le moins possible, afin qu'en cas d'arrestation les siens n'aient rien à avouer. 300 000 francs que le professeur avaient à un compte en banque et dont on ne retrouve pas trace après sa mort furent probablement employés pour les besoins du réseau". Les mentions suivantes y sont ajoutées : "Environ à la même époque, les personnes dont les noms suivent, dénoncées par Paul COLE, furent arrêtées dans la région du NORD. Mr DUPREZ de la MADELEINE, arrêté un samedi au début du mois de décembre 1941, l'Abbé CARPENTIER d'Abbeville, Melle Marguerite DELEBOIS de SAINT -OMER  (Charlotte DELEBOIS), Mr DEAN de Lille  et Mr DECHAUMONT.". (Sources : Dossier GR 21 P - SHD Caen) Comment son nom s'est-il retrouvé dans le dossier du Professeur HOLWECK de Paris ? Est-ce après une enquête ou une information donnée par son fils Jacques ? Il existe malheureusement trop peu d'éléments factuels pour valider l'une ou l'autre des hypothèses..

     On retrouve également son nom  comme contact dans le dossier "French Helper" d' Edmond SMEDTS qui était un employé de Marie BOIDIN de Frelinghien. Joseph ARNOUT, forgeron également à Frelinghien et membre du groupe de Marie BOIDIN, rencontrait régulièrement Maurice DECHAUMONT pour récupérer ou apporter des armes. (Témoignage recueilli auprès d'un cousin de Joseph ARNOUT)

       Le dossier de la Résistante belge  Hélène DURNEZ de WARNETON complète l'information de contact avec le groupe de Frelinghien. Hélène DURNEZ avait des contacts très étroits avec ce groupe.               
Sources Archives belges  :  dossier de la Résistante Hélène BREL-DURNEZ
Sources dossier SHD de Maurice DECHAUMONT
Sources dossier SHD de Maurice DECHAUMONT
D'autres références à Maurice DECHAUMONT seront probablement retrouvées dans d'autres dossiers archivés aux USA, au SHD de Vincennes ou de Caen, notamment ceux non encore consultés des personnes citées sur cette page. Elle est donc appelée à être modifiée.
Ajout du 26 août 2022
    Le document ci-dessous a été retrouvé dans le dossier 'French Helper" de Marie et Arthur DURIEZ qui habitaient Lezennes jusqu'en 1942.  C'est chez eux que les premiers exemplaires du journal clandestin "LA VOIX DU NORD" furent imprimés  et Marie DURIEZ fut l'une des personnes qui allaient porter les paquets à distribuer clandestinement. Dès lors que Nathalis DUMEZ, un des fondateurs du journal,   caché chez eux, a été arrêté le 7 septembre 1942, les époux DURIEZ ont rapidement quitté le Nord pour le sud de la France et plus précisément à CASSIS où ils hébergèrent des aviateurs,  amenés par la filière Pat O'Leary, dans une villa louée par cette filière d'évasion, "Villa des Pervenches". On les retrouve ensuite dans la Creuse, pris en charge par Marie Louise DISSARD de Toulouse qui avait repris la tête de la filière d'évasion après l'arrestation de son chef le Commandant GUERISSE (alors appelé Patrick O'Leary). Marie Louise DISSARD les cite dans les rapports d'après guerre établis à l'intention des services Alliés qui lui demandaient des informations sur les  membres de son réseau. (Sources Fonds Françoise - Archives départementales de la Haute-Garonne : ".....Les CARPENTIER de leur vrai nom DURIEZ sont restés à MARSEILLE, puis dans la CREUSE. Je les ai fait vivre tout le temps de la guerre. Leur adresse : 5 Rue Sadi-Carnot à LEZENNES près de LILLE. Ce sont de braves gens, ils vous parleront de Thérèse [Thérèse BAUDOT DE ROUVILLE, appelée également Thérèse MARTIN infirmière à  la Croix Rouge à Tourcoing en 1940]  . Carpentier a aidé PATRICK ......". ).  Une lettre signée de Pat O'Leary et envoyée aux autorités américaines ou anglaises, sans date mais probablement rédigée en 1946 , donne les précisions suivantes : "Monsieur et Madame Duriez s'étaient, jusqu'en octobre 1942, exclusivement occupés dans la région de Lille, de la diffusion du journal clandestin La Voix du Nord. Accidentellement, ils avaient porté aide à des aviateurs alliés. A ces occasions, ils avaient pris contact avec Jean DE LA OLLA. Après l'arrestation de Monsieur DUMEZ, directeur et rédacteur de la Voix du Nord, Monsieur et Madame DURIEZ, chez qui le journal était imprimé, prirent la fuite, et conduit par Jean DE LA OLLA, prirent contact avec moi à Marseille, en octobre 1942. Je les engageai dans mon organisation, sous le nom de Monsieur et Madame Carpentier. Ils s'installèrent d'abord à Cassis, dans une villa que j'y avais louée, et ensuite à Saint Raphaël, dans une autre villa. [...] Après mon arrestation, le 2 mars 1943; ils perdirent tout contact, mais furent retrouvés plus tard par Françoise, qui leur vint en aide......"

  L'originalité de ce document réside dans le fait que la demande avait été faite auprès de services de la Police française qui auraient pu être contraints à aider à l'arrestation de ces personnes quelques années plus tôt . Maurice DECHAUMONT est le premier de la liste mais avec une date d'arrestation comportant une erreur importante pour l'année puisqu'il a été arrêté en décembre 1941 et non en 1942. De plus, très anecdotiquement, il  ne peut  avoir donné une aide à des militaires américains, sauf, potentiellement à d'éventuels volontaires de ce pays,  engagés dans la R.A.F  et abattus en France, comme William ASH, tombé le 24 mai 1942 près de Calais, donc à une date postérieure à  l'arrestation de Maurice DECHAUMONT et ce,  pour la raison suivante : suite à l'attaque de Pearl Harbour, les Etats-Unis déclarent la  guerre au Japon le 8 décembre 1941. Par le jeu des alliances, l'Allemagne et l'Italie en font de même le 11 décembre 1941 vis à vis des Etats-Unis, avec, pour conséquence, l'arrivée de l'aviation américaine en Angleterre dès le début de l'année 1942. Aviation américaine qui ne devait devenir pleinement opérationnelle que le 17 août 1942 avec un premier bombardement effectué depuis le Nord-Est de l'Angleterre sur la gare de triage de ROUEN-SOTTEVILLE.  Toutes les aides aux "Alliés", antérieures à cette date,  sont donc  presque exclusivement fournies aux soldats de l'armée britannique présents en France en 1940 ou aux aviateurs de la R.A.F  majoritairement britanniques mais également canadiens, australiens, néo-zélandais, polonais, tchèques....

   Ce document démontre également les très larges investigations faites  par  les Américains pour tenter de retrouver les personnes qui avaient aidé à l'exfiltration de leurs ressortissants. Ce fait est déjà bien connu mais, ce courrier de la Police Française en réponse à une demande américaine, est le premier de ce type rencontré dans les archives américaines consultées à ce jour.  L'ensemble des personnes recherchées constituera, après de minutieuses enquêtes croisées,  la liste des "FRENCH HELPERS". Enquêtes faites avec minutie puisque certaines  personnes seront "blacklistés" en raison de suspicions de collaboration ou de dénonciation. Tous ces dossiers d'enquête sont désormais archivés à la N.A.R.A à Washington aux U.S.A.


   Le second sur la liste, Jean DERVAUX  a été homologué pour le réseau "VOIX DU NORD". Il a un dossier au SHD de Vincennes et serait né le 21 avril 1911 à Lille (* le document de la Police Française indique 1910) selon le site "Mémoire des Hommes". Il n'a pas été reconnu comme "French Helper".
 
    Andrée Marie Antoinette DURIEZ épouse DUMEZ, selon le S.H.D de Vincennes, quatrième sur la liste, est née le 3 mai 1917 à Sains-en-Gohelle.  Elle est homologuée  pour le réseau PAT O'LEARY et a été probablement emprisonnée en raison de son homologation DIR retrouvée dans son dossier. Probablement la nièce d'Arthur et Marie DURIEZ, Andréa Marie Antoinette DURIEZ s'est mariée le 24 août 1946 avec Natalis Gustave François Pierre Corneille DUMEZ, cité ci-dessus et cinquième sur la liste ; il avait été  élu Maire de BAILLEUL dans le Nord de 1920 à 1928. Andréa était la  fille de Médard DURIEZ, houilleur, et de Marguerite BOULLINGUEZ, ménagère (Sources Archives départementales du Pas de Calais - Acte de Naissance n° 19 de 1917 à Sains-En-Gohelle - cote 3 E 737/17). Elle n'a pas été reconnue comme "French Helper".

     Pour  Pierre ou René DUANCE qui n'avait pas été retrouvé par la Police Française, il pourrait s'agir de  Pierre Joseph Adrien DAWANCE retrouvé dans  les listes du SHD de Vincennes. Né le 28 novembre 1924 à LILLE, il est homologué pour le réseau ALEXANDRE.  Il est noté comme déporté résistant sur le site de "Mémoires des hommes" avec un dossier à Caen coté AC 21 P 629704.  Arrêté le 24 juin 1944, il a été déporté à  Mülheimn, Sachsenhausen, Kochendorf Kommando de Natzweiler puis à Dachau d'où il est rentré le 29 avril 1945 (Sources F.M.D Caen - Fondation pour la Mémoire de la Déportation). Comme c'est souvent le cas,  il est dans le domaine du possible que le nom DUANCE retrouvé dans un rapport d'évasion ou de libération de prisonnier (Dossiers R.A.M.P), ait été quelque peu "transformé", "américanisé" par le militaire qui indiquait parfois la mention "phonetic spelling". Probable membre de la famille de Pierre DAWANCE, Didier DAWANCE, né le 13 décembre 1922 à Lille,  a été homologué "F.F.I.". On ne retrouve que Léon DAWANCE, café des sports à Melreux dans la province de Luxembourg en Belgique, dans la liste des "Belgian Helpers".

Ajout du 14 novembre 2023
    Le document ci-dessous a été retrouvé dans un document manuscrit d'Albert GUERISSE plus connu sous son pseudo de Résistant PAT O'LEARY. Après l'arrestation de Ian GARROW, il reprend la tête de la filière d'évasion, la structure de la Belgique, à la Bretagne en passant par le Sud-Ouest et le Sud-Est de la France et, à son retour de déportation, il liste les membres de son réseau avec quelques annotations. 

    Roland LEPERS, originaire de Wasquehal dans le Nord, souhaitait s'engager dans les Forces Françaises Libres et rejoindre Marseille en zone non occupée, dans un premier temps. Mesdames TISSERAND et VOGLIMACCI de La Madeleine près de Lille lui demandent alors d'emmener un aviateur de la  R.A.F tombé près de Calais en mai 1940 : le Sgt PHILIPPS évadé d'un hôpital militaire de Lille. 
    Au culot, ils passent la ligne séparant la zone interdite et la zone occupée puis la ligne de démarcation pour arriver à Marseille en janvier 1941. 
   On lui dit alors qu'il serait plus utile en ramenant les soldats cachés dans le Nord mais surtout des aviateurs dont la R.A.F avait cruellement besoin. Il fit donc 13 voyages entre janvier et novembre 1941 entre les villes de Lille et de Marseille. C'est lors d'un de ces voyages qu'il amèna et présenta Harold COLE aux Officiers britanniques qui se chargeaient d'envoyer ensuite les évadés/échappés vers Gibraltar. 
     Après l'arrestation et le retournement d'Harold COLE par l'Abwehr de Lille en décembre 1941, la filière est détruite et Roland LEPERS, accompagné de Madeleine DAMERMENT (Fille du receveur des Postes de Marquette) sont contraints de se cacher à Tulle et passent ensuite les Pyrénées près de Banuyls avec les guides de Francisco PONZAN-VIDAL pour rejoindre Gibraltar et l'Angleterre. 
     A Londres, ils sont d'abord interrogés par les services secrets anglais et Roland LEPERS qui n'a pas abandonné l'idée de s'engager dans les Forces Françaises Libres va être interrogé par les services secrets français du B.C.R.A. Il deviendra pilote de bombardier dans les F.A.F.L. après une instruction au Canada. Madeleine et Roland se sépareront et Madeleine entrera dans le S.O.E anglais.
     
     Le document ci-dessous est extrait de cet interrogatoire et Roland LEPERS cite Maurice DECHAUMONT.

    Dans ce même interrogatoire, on retrouve également le nom d'une famille de Wambrechies : la famille GARDNER. Madame Germaine GARDNER, mariée à William James GARDNER (1886 - 1946), était née DELLIESSCHE. Les trois filles se prénommaient Marie-Louise, Suzette et Jacqueline. Contrainte de se cacher, elle s'était réfugiée avec ses filles chez Mr et Mme DAMERMENT à Marquette.  
 
(L = Roland LEPERS - Paul = Harold COLE - Jean DUBOIS = Pseudo de James SMITH soldat écossais qui deviendra convoyeur)