Les amis de Wambrechies - La famille Catry
Page créée  le 2 juillet 2022 - Dernière modification de la page le 17 juillet 2022
Monsieur Doolaeghe commerce avec Monsieur Paul Catry, propriétaire d'une brasserie au hameau des Trois Louches à Wambrechies, et les deux familles  semblent être devenues amies.
Les amis de Wambrechies
La famille de Mr Paul CATRY au Hameau des Trois Louches à Wambrechies - Dénombrement de 1906 - Archives Départementales du Nord
Cadastre 1905 - Wambrechies - Sources :  Archives Départementales du Nord (La ferme Carrette citée en fin de page était alors appelée ferme Dewasier)
Crédit photo : collection Pierre Pennequin  - Hiver 1917 avec soldats allemands au premier plan
Lundi 19 octobre 1914 

…………. Une patrouille anglaise met en alerte les soldats allemands. Deux escadrons du régiment qui stationne à Quesnoy sont à Wambrechies et Mr Catry loge des officiers. Le régiment est normalement basé à Grimma en Saxe près de Leipzig……….. 

 
Lundi 25 janvier 1915  

…….Les hussards de Quesnoy sont encore de sortie. On les exerce pour la grande parade du mercredi 27 janvier. On accompagne Mme Lebrun chez Mr Callens de Wambrechies. Elle sera conduite à Courrières avec sa voiture pour acheter du charbon. Mr et Mme Delefortrie, très tristes, sont à Wambrechies. Le 2d escadron de hussards est toujours à Wambrechies chez Mr Catry. Appelé par un officier en pleine nuit, il ne prend pas la peine de mettre son veston. L'officier très fâché : " C'est ainsi qu'on se présente devant un officier allemand !". On pose beaucoup de planches près de l'usine à gaz. Du bois pour les tranchées qui vont être creusées mais où ? Toujours passage de nombreux blessés……… 
 

 Samedi 30 janvier1915 

……Les maisons qui n'ont pas de soldats à loger sont rares à Quesnoy. Des chariots chargés de fil de fer, de planches, de poêles et cuisinières, d'appareils pour l'électricité passent le matin. Encore pour les tranchées. Le soir, grand dîner chez Mme Catry à Wambrechies avec tous les officiers du régiment de hussards. On a recommandé aux bonnes de mettre des tabliers blancs, les cristaux, le fin linge de table, la belle porcelaine, tout a été sorti des placards et buffets……. 

 
Lundi 1er février 1915

…… La veille, les Anglais ont continué à envoyer des obus sur Frelinghien. Mr Prévost (profession boulanger) trouve qu'il lui est impossible de continuer à cuire son pain, il obtient la permission de le faire à Verlinghem. M. Catry de Wambrechies a compté 130 officiers logés chez lui depuis octobre sans compter les ordonnances, les granges remplies de chevaux. Les soldats occupent toute sa maison et la brasserie. En ce moment, il loge 6 officiers et 60 chevaux. On lui a pris tout son charbon. Sa réclamation à la Kommandantur n'a pas abouti : les soldats ont droit au chauffage et à l'éclairage et on doit leur procurer les ustensiles nécessaires pour leur cuisine. Réquisitions à venir : tout le cuivre (Chaudières, appareils à gaz, lustres, batteries de cuisine,calorifères...)……..  
 

Jeudi 25 mars 1915 

………Les officiers qui logent chez Mme Gervais Fauvarque Richebé sont occupés à arranger le jardin, après avoir bêché, ils ont agrandi les massifs et y ont planté fleurs et arbustes. Ils viennent de dépaver la cuisine pour réparer une conduite d'eau, au salon ils ont remplacé plusieurs tulipes d'un lustre qui avaient été brisées par leurs prédécesseurs. Ces officiers sont arrivés chez Mme Fauvarque, samedi après-midi. Ils occupent toutes les chambres et ont procuré un lit pour les bonnes qui se sont réfugiées forcément dans le grenier. A Mme Gervais qui avait la bonté de leur apporter une nappe, ils ont fait remarquer que les officiers ne se servaient pas de linge de table rouge et blanc et qu'ils préféraient une nappe blanche. La maîtresse de maison a eu la bonne idée de leur répondre : " Vous m'étonnez, le prince de Bavière s'en est bien contenté ! ....". Mr Catry nous dit que les officiers qui logent chez lui (ils sont 6) boivent en moyenne 70 frs de vin et champagne par jour. Cela ne leur coûte pas beaucoup, c'est du vin volé. Les Allemands ont maintenant deux Decauvilles pour transporter leurs vivres jusqu'aux tranchées, une ligne part de la gare à "l'Aventure"…….. 

 
Samedi 10 avril 1915 

Plus de soldats au château ce matin, mais par ordre du général on vient enlever les meubles d'une chambre pour les transporter à Wambrechies où se trouve maintenant la Division (brasserie Guérin). Monsieur Pollet qui a la garde du château va s'en plaindre chez le commandant qui ne l'écoute pas, il n'a qu'à obéir au général de ne feront division. Après 6 mois de séjour dans une maison, le général ne trouve pas injuste cet acte qui ne peut pas être appelé de la probité ! ....[…] .... Des 8 blessés d'hier plusieurs sont morts dans la nuit. Ce matin, il était question du départ des hussards, le 19ème étant un régiment divisionnaire, 2 escadrons doivent suivre la Division. Vers 10 heures, le capitaine rentre de promenade, il est tout heureux de nous dire que le 4ème escadron reste à Quesnoy, ce sont les 1er et 5ème escadrons qui ont été désignés pour le départ. Le 2ème reste chez Mr Catry. A 2 h cet après-midi, nous avons vu partir le 5ème escadron, il s'est réuni une dernière fois dans la rue du Beau Rang, à l'heure indiquée, les officiers sont arrivés et l'escadron est parti pour Marcq en Baroeul. L'artillerie allemande recule au hameau du chien et sur la route de Linselles, les particuliers doivent loger des soldats d'artillerie qui viennent de Quesnoy, ils disent que les grenades leur ont fait peur : "Quesnoy pas bon, beaucoup kaput.". 

Samedi 15 mai 1915.
 
Mr Catry qui est venu nous dire bonjour, nous raconte les ennuis qu’il a eus avec les officiers qui logent chez lui depuis 5 mois ; le capitaine du 2ème escadron est très méfiant, il y a quelque temps, on a fait une perquisition dans toute la maison et la brasserie de Mr Catry. Tous les tiroirs des meubles ont été vidés, les lettres lues : papiers de commerce, correspondances intimes, on a pris connaissance de tout. 6 000 frs de petits billets de banque furent dépinglés et éparpillés puis remis un par un, heureusement, qu’il n’y avait aucun papier compromettant !.... Tout le ménage de 15 personnes a été fouillé, le linge des enfants, maillots etc. furent inspectés. Mme Catry ayant vu qu’un officier avait en main deux papiers de commerce de grande importance dont une reconnaissance de dette de 30 000 frs ne put s’empêcher de dire « Vous n’allez pas me l’enlever n’est-ce pas, c’est de l’argent. ». Pour avoir prononcé cette phrase, elle fut obligée de faire des excuses, si elle ne voulait pas être emmenée chez le commandant de place de Lille !.... Les officiers disent que cela équivalait à une insulte, c’était la même chose que de leur dire voleurs !.... 
 
 Ayant trouvé un presse papier en forme de poignard et un sabre chinois tordu et cassé, le capitaine fit avertir Mme Catry que son mari serait fusillé ; il fit la même menace à la jeune fille. Mr Catry, en apprenant cela répondit : « J’ai tant souffert depuis 6 mois que je préfère être fusillé aujourd’hui que demain. ». Voyant que cela ne l’intimidait pas l’officier lui dit qu’il serait fait prisonnier et conduit en Allemagne, on l’accusait de correspondre avec les Anglais. Chez le Commandant de place de Lille, on le soumit à un interrogatoire très sévère, heureusement Mr Catry sut répondre à tout. On lui reprocha d’avoir chez lui, des têtes d’obus, des conserves allemandes, il se rappela qu’il avait eu tout cela à un capitaine de dragons qu’il nomma. Comme on lui disait que cela n’était pas permis aux officiers, il demanda si cela leur était permis de donner un grand plat d’argent sur lequel étaient gravés ces mots « Le 19ème régiment de dragons à Mr Catry – gage de reconnaissance » suivis de la date. Mr Catry ajouta qu’il n’avait jamais eu d’ennuis avec les officiers qui logeaient chez lui mais que depuis quelque temps, cette situation n’était plus tenable, ses moindres démarches sont remarquées. Le Tribunal le condamna à 50 frs d’amende pour avoir ri lors du passage d’un aéroplane visé en vain par l’artillerie allemande. Les officiers prétextaient qu’il s’était moqué de leur artillerie. Tout le jardin a été bêché, décidément le capitaine qui loge chez Mr Catry est d’une méfiance exagérée….. 

 
Lundi 24 mai 1915 

Père ne peut plus sortir de Quesnoy avec son cheval et sa voiture, le commandant refuse de donner des passeports. Les boulangers de Verlinghem, Lompret, Pérenchies viennent chercher leur levure ici. …[…] …... Père n’ayant plus la facilité d’aller jusque la brasserie de Mr Catry pour prendre de la levure a fait demander par un gamin qu’on veuille conduire cette marchandise jusqu’au hameau du Chien à la limite de Quesnoy. Mr Catry est venu jusque-là pour s’expliquer de ce changement, depuis 7 mois père n’a jamais cessé d’aller chercher lui-même la levure dans les brasseries. Les difficultés deviennent chaque jour plus grandes, c’est à tel point que Mr Catry a dû laisser une distance d’une vingtaine de mètres entre père et lui, car toute communication est défendue entre les habitants de communes différentes dès qu’ils n’ont pas de passe ports. Cet après-midi, on a vu passer de belles voitures de luxe chargées de fumier !.... 
 
Vendredi 28 mai 1915

…….. arrive ce matin pour prévenir père que Mr Bruneau ne peut plus brasser. Cette nouvelle nous consterne, l’autorité allemande fait fermer toutes les brasseries de Quesnoy, plus de bière, plus de levure !.... La brasserie de Mr Catry est réquisitionnée pour Wambrechies. ……. 
 
Lundi 31 mai 1915

…….Père n’a pas pu avoir la levure de la brasserie Catry qui est cernée, la maison est entourée de soldats, on ne laisse plus sortir aucune marchandise de la brasserie. Mr Bruneau a dit que père devait réserver le peu de levure qu’il avait encore pour Quesnoy……. 

Dimanche 6 juin 1915

.... Nous venons d’apprendre que Mme Catry de Wambrechies est emmenée en prison sur l’ordre du capitaine des hussards qui loge chez elle depuis 7 mois. Serait-ce vrai ? Demain nous aurons sans doute quelques détails. Le soir, vers 6 heures, pendant le salut, on a vu passer plusieurs compagnies d’infanterie. Les soldats désarmés paraissaient exténués, couverts de poussière, les vêtements en désordre, ils avaient l’air d’avoir pris part à un combat et ressemblaient à des fuyards, l’absence d’armes avait fait croire à l’arrivée de prisonniers mais bientôt on reconnaissait l’uniforme que nous n’avons que trop vu ! Personne ne sait expliquer cette arrivée de troupes inattendues ou plutôt cette arrivée de quelques centaines d’hommes qui ne ressemblent plus à des soldats, on pourrait facilement croire à un campement de Bohémiens ! (Il s’agit de soldats allemands qui ont été désarmés, parfois revêtus avec des tenues blanches, en raison de leur refus de monter au combat. Ce que la France connaîtra en 1917, les troupes allemandes l’auront probablement connu dès 1915 dans le secteur d'Armentières dans le Nord de la France – Voir paragraphe du mardi 8 juin 1915)
 
Lundi 7 juin 1915 

….Madame Catry est condamnée à 3 jours de prison et à une forte amende. Voici ce qui s’est passé : vendredi dernier, le capitaine des hussards qui loge chez elle, recevait bon nombre d’officiers. Le dîner se fit en grande cérémonie, on se servit du linge de table, des porcelaines, de la verrerie, de l’argenterie de Mme Catry. Samedi, pendant toute la journée, le personnel de la maison fut obligé de tout remettre en ordre. Mme Catry qui aidait ses domestiques remarqua qu’on avait cassé plusieurs pièces de son service de table sans cependant n’adresser aucune plainte. Dimanche matin, c'est-à-dire hier, le capitaine demande qu’on lui fasse un crème fouettée. Mme Catry répond qu’elle ne sait pas la faire et que sa cuisinière n’en a pas la recette, mais qu’elle veut bien lui servir une crème qu’elle a l’habitude de faire. L’officier exige ce qu’il a demandé et pas autre chose, il veut qu’on lui fasse cette crème d’après une recette allemande. Voyant que Mme Catry refuse, il la menace de la faire mettre en prison. Elle lui dit : « J’espère bien que vous ne seriez pas assez lâche pour faire emprisonner une mère de famille de 15 enfants !....... ». Fâché de tant d’audace et de fermeté, l’officier lui fit répéter cette phrase après quoi, il commanda à deux soldats de la garder à vue. Mme Catry est conduite dans la ferme Duhamel où elle passe quelques heures. L’officier voulait que Mme Catry fasse toilette pour se rendre près du général, elle refusa et sortit de chez elle en peignoir, chaussée de pantoufles. En cours de route, elle rencontre ses enfants qui reviennent de la procession, Melle Catry qui a pris part au cortège ne sait que penser en voyant sa mère entre deux soldats allemands. Les enfants se précipitent vers la prisonnière en sanglotant, ils réclament leur maman et veulent l’accompagner, ils demandent qu’on permette à leur mère de rentrer à la maison. Cette scène est déchirante, les soldats n’en sont pas attendris, du moins, ils ne veulent pas le paraître, les officiers les suivent en voiture !.... Mme Catry est en ce moment dans la prison de Wambrechies ; prévoyant qu’on allait demander une forte amende pour sa rançon, elle fit promettre à son mari de ne pas donner d’argent et préfère partir pour l’Allemagne. Le plus jeune des 15 enfants de Mme Catry n’a pas encore un an !.... Oui, il faut être lâche pour agir de la sorte. 
 
Mardi 8 juin 1915 

……Dimanche dernier, il y aurait eu un combat sur la place de Frelinghien, 200 Allemands se seraient rendus après avoir tiré sur leurs officiers, 400 soldats de ce régiment auraient été désarmés, on dit que leurs chefs les empêchèrent de fuir, grâce à leurs chevaux, qui reçurent bon nombre de coups d’éperons, ils surent rassembler ces fuyards qui sont soumis maintenant à un régime très sévère, on ne leur donne que du pain et de l’eau et on les emploie aux tranchées. Tout cela serait-il vrai ? Ces soldats désarmés que nous voyons passer matin et soir font peut-être partie du régiment indiscipliné et révolté. On raconte même que 10 de ces soldats auraient été fusillés comme meneurs de cette révolte parmi se trouvait un père de famille qui demandait grâce pour ses 4 enfants ; un jeune soldat qu’on avait chargé de cette exécution serait devenu subitement fou après une scène aussi pénible…… 

Dimanche 29 juillet 1915 

…. Les hussards sont toujours chez Mme Catry, cette dame évite de les rencontrer, depuis qu’elle a fait plusieurs jours de prison, Mme Catry ne parle jamais plus aux soldats. ……. 

Vendredi 13 août 1915

……Ce matin, Melle Catry (Wambrechies) (Madeleine - Gabrielle ou Marguerite ? ) est venue nous dire bonjour ; les Allemands ont pris à son père pour 50 000 frs de récoltes : blé, avoine etc. et le meilleur cheval de Mr Catry devient impropre au service parce qu’il manque de nourriture !..... Mr Catry n’a pas obtenu une gerbe de ses récoltes. Il a toujours chez lui le capitaine des hussards qui a fait condamner Madame à 5 jours de prison ! Il est toujours aussi aimable ! Melle Catry nous explique que sa mère n’a plus le droit d’adresser la parole aux officiers, elle doit éviter de les rencontrer. Ils ne veulent plus la trouver sur leur passage ! Et ils ne lui font qu’un seul reproche : celui d’être trop patriote. Pendant que Mme Catry était enfermée dans la prison de Wambrechies, son mari ne pouvait plus sortir du salon, un soldat armé gardait la porte. Comme personne ne pouvait pénétrer près de la prisonnière, Mr le Curé de Wambrechies a demandé au commandant la permission d’entrer dans la prison. Comme on lui répondait par un refus, Mr le Curé fit croire qu’il profitait de cette occasion pour ramener la prisonnière à de meilleurs sentiments. Qu’ayant abandonné ses pratiques religieuses, Mme Catry avait besoin de conseils, de calme ! Ce dernier mot sut faire changer la décision du commandant, Mr le Curé obtint la permission d’entrer dans la prison. Mme Catry n’a su qu’après, par quel moyen !...... Si le commandant avait su que Mme Catry est une des meilleures paroissiennes de Wambrechies !.... Hier, grand souper à la brasserie ; on a compté les bouteilles vides après le repas : 15 de champagne, 20 bouteilles de vin, et 30 de bière de Munich. Les officiers ont pris ensuite café et liqueurs !.... Commencé vers 6 heures, le repas dure assez longtemps, on y fait de la musique, vers 10 h (à peine a-t-on fini, qu’on recommence) les ordonnances servent le jambon. Puis on convertit le salon en salle de danse !.... Et la fête se prolonge jusqu’au matin. Le lendemain de pareils festins, les officiers sont malades, ils ne boivent que de l’eau !.... Melle Catry nous dit que ce matin le salon présentait un aspect lamentable, toutes les chaises étaient jetées pêle-mêle contre les murs, les ordonnances n’avaient même pas pris de desservir la table, ils l’avaient roulée dans un coin de la salle pour laisser le milieu pour les danseurs. Les verres renversés, les serviettes dont la plupart avaient été piétinées, la nappe remplie de tâches de vin, tout cela formait un désordre complet. Melle Catry n’a pu s’empêcher de dire à un lieutenant qui se trouvait dans cette salle quand elle y est entrée : « Mes parents ont donné de grandes réceptions dans ce salon, nous y avons reçu beaucoup de monde, nous y avons parfois dansé, mais jamais la salle n’a présenté le désordre de ce matin. ». L’officier lui ayant répondu : « En Allemagne, c’est l’habitude, c’est toujours ainsi le lendemain d’un grand repas. ». Melle Catry lui dit : « Vous voudriez me photographier, ce que je n’ai jamais voulu, ce ne serait pour vous qu’un souvenir éphémère. Ce que je vous conseille, c’est de prendre la photographie de cette salle, ce sera un souvenir de votre séjour en France ! ». Les officiers ayant félicité la bonne d’avoir aussi bien réussi leur cuisine, elle leur répondit : « Quand Mme recevait, si j’avais au moins quelque bénéfice, c’est ainsi que les invités me remerciaient. L’officier comprit et lui donna 10 francs. La bonne fit aussi remarquer que la vaisselle avait beaucoup souffert, ainsi que la verrerie. Melle Catry nous dit que sur 5 douzaines de verres en cristal, il en reste 2, 58 verres ont été cassés depuis l’arrivée des officiers, les deux qui restent sont ébréchés. Chez Mme Catry tout doit être à la disposition des officiers et ils ouvrent toutes les armoires et se servent de ce qui leur plaît ; ce qui est cassé est vite remplacé !.... Ils font transporter le piano d’une salle à l’autre. Comme les tentures les gênaient, ils les ont fait enlever, impossible de les retrouver, de même pour les rideaux. Ils dégarnissent les cheminées afin d’y poser boîtes de cigares etc. ; ils posent de grandes cartes sur tous les murs. De cette grande maison, Mme Catry ne peut disposer que d’une cuisine et d’un petit bureau sans compter les chambres qu’on n’a pas eu la méchanceté de leur enlever à cause des enfants, chez Mme Catry, il y a 4 bébés en dessous de 7 ans, avec les bonnes, ils sont 15 à dîner tous les jours. La même pièce sert de cuisine, salle à manger pour tout ce monde. Et le matin, c’est là qu’il faut habiller tous les enfants. Melle Catry dit que l’été est moins pénible que l’hiver ; alors les enfants peuvent sortir, le plus souvent, ils s’amusent dans le jardin. Mais l’hiver ! Quel ennui d’avoir une grande maison pendant la guerre !.... Quand on ne peut y loger que des Allemands. …… 

Mercredi 23 août 1915 

…... Vers 5 h, un aéroplane allemand est forcé d’atterrir près de la ferme Carrette sur la route de Wambrechies. Il a été poursuivi par un anglais qui a su l’atteindre. Les deux aviateurs sont gravement blessés. Les civils qui sont arrivés avant les soldats près de l’aéroplane, ont très bien vus les officiers, l’un était blessé à la tête et l’autre près de l’épaule. Les Allemands sont accourus bien vite et ont fait reculer les civils, le capitaine des hussards qui loge chez Mr Catry, arrivé sur les lieux, n’eut rien de plus pressé que d’éloigner les civils présents et pour leur faire peur leur montrer son revolver disant qu’il tirerait si on ne s’éloignait pas au plus tôt. Les Allemands sont furieux quand les civils deviennent les témoins de leur défaite. Ils ne peuvent être que victorieux. Une personne qui était près de la ferme Carrette quand l’aéroplane a dû atterrir vient de nous donner ces détails. Les soldats nous disaient que c’était l’aéroplane anglais qui était atteint, nous ne l’avions pas cru car quelques minutes après, notre allié revenait sur Quesnoy tandis que l’artillerie allemande s’acharnait contre lui. …. 

Sources: Carnets de guerre de Claire Doolaeghe