L'histoire des évadés (ou échappés)  est connue grâce aux rapports d'évasion établis à leur retour en Angleterre. Ils étaient  alors interrogés par des militaires des services secrets anglais ou américains. La réalité était parfois un peu plus complexe pour les aviateurs américains qui, arrivés à Gibraltar après avoir franchi  les Pyrénées, étaient alors interrogés par les services secrets anglais à leur entrée dans cette enclave britannique.

 Le rapport d'évasion était ensuite signé par le militaire qui s'engageait à ne divulguer ni informations, ni noms donnés lors de l'interview afin de ne pas mettre en danger les personnes citées mais aussi à ne pas renseigner les familles des autres membres de l'équipage de l'avion  ou de militaires ou aviateurs qu'ils auraient pu éventuellement rencontrer lors de leur périple d'évasion. Ces dossiers sont archivés à la NARA à Washington pour les Américains et à Kew en Angleterre pour les pays du Commonwealth.

 Dans ces évadés, on trouve des soldats du corps expéditionnaire anglais de 1940, des marins, des aviateurs de toutes nationalités, des soldats américains ou des pilotes de planeurs  perdus dans la tourmente des combats vers Cherbourg après le débarquement du 6 juin 1944, en définitive un panel extrêmement large  On trouve également quelques prisonniers échappés des camps en Allemagne et quelques  soldats anglais, fait prisonniers à Tobrouk, enfermés dans un camp en Italie et qui, après s'en être échappés, arriveront à Perpignan via Marseille pour se diriger ensuite vers Gibraltar sous la protection des Consuls anglais présents en Espagne . On découvre aussi dans la liste des évadés, des soldats canadiens débarqués à Dieppe en 1942, des marins de la Royal Navy qui participèrent à l'opération "Chariot" visant le port de Saint Nazaire ou des commandos impliqués dans l'attaque de la base des sous-marins de Bordeaux.

 Grâce au calcul automatique intégré dans le logiciel "French Helpers", entre la date de naissance, si celle-ci est renseignée, et la date où ces militaires deviennent MIA (Missing In Action),  il est possible de dire que le plus âgé, connu à ce jour, avait 42 ans et , le plus jeune 18 ans. La plus grande majorité avait entre 21 et 23 ans.

 Concernant la durée d'évasion, l'étude faite sur un groupe de 1 700 évadés , majoritairement américains, amène au bilan suivant :
  • Moins de 1 mois à 1 mois : 266 
  • entre 1 et 2 mois : 324 
  • entre 2 et 3 mois : 399 
  • entre 3 et 4 mois : 236 
  • entre 4 et 5 mois : 133 
  • entre 5 et 6 mois : 115 
  • entre 6 et 7 mois : 72 
  • entre 7 et 8 mois : 67 
  • entre 8 et 9 mois : 27 
  • entre 9 et 10 mois : 13 
  • entre 10 et 11 mois : 9 
  • entre 11 mois et un an : 13 
  • entre 1 et 2 ans : 23 
  • plus de 2 ans : 1 
  • 3 ans et demi : 1 
  • 4 ans et demi : 1 

 Les premiers et plus nombreux évadés furent des soldats anglais qui échappèrent à la débâcle de 1940 et ne purent rentrer en Angleterre par l'opération "Dynamo".  Cachés par la population après s'être parfois échappés des colonnes de prisonniers, ils seront plus de 2 500 à rentrer en Angleterre et pendant la même période on commencera à trouver dans la liste des évadés des aviateurs de la RAF (britanniques, Polonais, quelques Canadiens) abattus en France. 

 Les aviateurs anglais seront majoritaires dans les premières années du conflit. Bombardements sur l'Allemagne, l'Italie du Nord, le Nord de la France. Les patrouilles de chasse amèneront elles aussi, leur lot d'aviateurs abattus. Les autorités anglaises feront alors savoir aux réseaux d'évasion qui s'étaient bien structurés, de n'exfiltrer que des aviateurs en oubliant les soldats d'infanterie. Avec le nombre de pertes, les besoins de la RAF en aviateurs  expérimentés étaient très importants et les temps de formation pas assez longs pour aguerrir suffisamment les jeunes pilotes. Ce fut le cas pour le réseau "Comète" créé par Mme
Andrée De Jongh de Bruxelles quand  un Consul anglais en charge en Espagne lui demanda de ne plus convoyer que des aviateurs; son réseau exfiltrait par le pays basque.  Olga Baudot de Rouville, infirmière tourquennoise, complètement "brûlée" dans le Nord, avait fuit en zone libre. Elle travailla successivement pour Ian Garrow (arrêté, libéré par la Résistance et rentré en Angleterre) puis le Lieutenant Guérisse (nom de guerre  Pat O'Leary : arrêté et déporté) et  ensuite pour Marie-Louise Dissard (nom de guerre 'Françoise'). Après guerre, elle écrivait qu'en 1942 : "On avait ordre de ne plus prendre de soldats mais les pilotes et les aviateurs, puis les officiers, les médecins, les spécialistes. Il restait donc des hommes planqués qui ne pouvaient pas partir et qu’il fallait nourrir. Il en est resté beaucoup comme ceux-là, assimilés à la population civile, ayant femme et enfants. Mais il commençait à pleuvoir des pilotes." 


 Quelques pilotes anglais seront abattus deux fois et réussiront à rentrer à chaque fois en Angleterre, d'autres trouveront la mort quelques mois plus tard après leur évasion. En très grand majorité, les pilotes évadés de la RAF, RCAF, RAAF repartaient au combat,  les Américains rentraient au pays et devenaient très souvent instructeurs. A noter le cas contraire du  1/Lt américain Chuck Yeager dont l'avion est abattu entre Bazas et Grignols en Gironde et qui repartira dans son unité après que la Résistance française l'ait exfiltré de France par les Pyrénées. Il terminera la guerre avec le grade de capitaine avec 12,5 victoires homologuées. Après guerre, il deviendra pilote d'essai et sera le premier homme à passer le mur du son le 14 octobre 1947 à bord de l'avion fusée Bell X1.

 Puis, au milieu de l'année 1942, après l'entrée en guerre des USA en décembre 1941, on commence à voir  tomber de nombreux Américains dont les escadrilles de bombardement et de chasse étaient majoritairement basées dans le Nord-Est de l'Angleterre. Le 2/Lt Robert E Smith,  7ème évadé américain (E&E 7),  tombe le  26 septembre 1942 dans le Finistère.

 Ils seront, au total, toutes nationalités confondues, près de 9 500 à pouvoir regagner l'Angleterre. Ce nombre semble important mais il est à relativiser avec le nombre de tués ou de prisonniers.  Un grand nombre d'évadés n'auront également participé qu'à un très petit nombre de missions et tomberont en Belgique, Hollande ou en France après avoir participé à seulement quatre ou cinq missions.  

 Selon Jean Pierre Duhard qui cite le journal "Le Matin" du 27 mars 1944. Ce journal  rapportait que les pertes en aviateurs anglo-américains depuis le début de la guerre, dépassaient 190 000, comprenant tués, prisonniers et disparus.

 Des sources américaines estimaient qu'en trois ans de guerre (décembre 1941-décembre 1944), la 8e US Air Force eut à déplorer la perte de 10 561 avions : 6 866 forteresses et 3 695 chasseurs. Chez les hommes, sur un effectif de 350 000, il y eut :
  • 32 000 tués
  • 14 000 blessés
  • 33 000 prisonniers, envoyés dans des camps allemands réservés.
  • 3 064 évadés ou échappés américains : soit moins de 1% de l'ensemble des militaires de la 8ème Air Force américaine qui combattait en Europe  : pilotes, radios, bombardiers, mitrailleurs, personnels au sol, mécanos, armuriers.......

 La défense anti-aérienne (FLAK), les chasseurs allemands de nuit et de jour, les collisions entre avions alliés, les pannes d'essence, les moteurs  endommagés qui s'arrêtent, les incendies qui se déclarent dans les avions touchés, seront donc très majoritairement les causes, responsables de la mort , des blessures ou de l'évasion de milliers d'aviateurs alliés. Quelques uns seront aussi tués par des patrouilles allemandes juste après leur parachutage. Ce fut le cas pour le Sgt Radio américain James d'AMORE abattu froidement à Sainte-Bazeille dans le Lot et Garonne le 5 mars 1944 quelques minutes après son atterrissage.

 Le hasard les faisait tomber partout en France, en Belgique, au Luxembourg,en Hollande, au Danemark sans oublier l'Allemagne : dans les champs, dans les jardins, sur les toits des maisons, dans les cours de fermes, dans les arbres, dans les rivières, dans les gares de triage..... Richard Weiss tombe dans la cour d'une ferme de Cocumont dans le Lot et Garonne, entre dans la première pièce de l'habitation au moment même où naissait une petite fille. Il deviendra le parrain de coeur de cette petite fille et, lorsqu'elle entrera à l'école quelques années plus tard, on lui donnera le surnom de "L'Américaine".

 Commencent alors de prodigieuses, comiques, dramatiques, brutales ou  belles histoires où  se mêlent tristesse, drames, rires ou violences. C'est l'histoire d'un aviateur, tombé en Charente, qui part vers le sud vers les Pyrénées à bicyclette et passe dans Oradour sur Glane le surlendemain du massacre. Le lieutenant Murphy écrivit dans son rapport d'évasion : "J'ai vu un enfant crucifié...". C'est l'histoire d'un combat entre un soldat allemand, un Résistant et un aviateur. Le corps du soldat sera jeté dans un puits. C'est l'histoire d'aviateurs qui sont cachés dans le grenier d'une maison et qui observent par les espaces laissés entre les planches disjointes du plafond, les tortures infligées au couple de Français qui les hébergeait. C'est l'histoire d'aviateurs qui se font chasser de leurs premiers lieux de cache par les habitants du secteur. C'est l'histoire d'aviateurs qui reçoivent la visite d'une maman, pleurant  toutes les larmes de son corps, et qui les supplie de ne plus attaquer les trains français. Ses trois enfants évacués de Paris pour être mis en sécurité au sud de la capitale avaient été tués dans le train mitraillé par des chasseurs alliés. C'est l'histoire d'aviateurs qui décrivent des groupes de Résistance en Dordogne dans lesquels ils sont intégrés parfois contre leur gré, et qu'ils considèrent comme de véritables "bandits" de grand chemin dont l'unique but est de piller les riches demeures de la région. C'est l'histoire d'aviateurs qui décrivent la vie amoureuse des Résistants en indiquant que l'homme qui était venu leur rendre visite était visiblement l'amant de la maîtresse de maison. 

 Ce sont aussi ces aviateurs qui doivent passer la nuit sur les toits en raison de la brutale irruption de la gestapo dans la maison où ils sont hébergés. Ils devront quitter le secteur en s'introduisant le lendemain matin dans la maison voisine par une fenêtre du grenier. Toute la famille avait été arrêtée dans la nuit après que le père de famille eût subi la torture de la baignoire. Il y aussi le récit d'une brève liaison entre un aviateur et l'institutrice qui le cachait ou la convoyeuse qui se fiance avec l'un des ses protégés pendant le voyage vers Toulouse. Elle le retrouvera après guerre, à son retour d'un camp de prisonniers, pour se marier avec lui et quitter ainsi sa Hollande natale pour habiter aux USA. C'est aussi l'histoire d'un général de brigade anglais, piégé avec son unité à Lucheux dans la Somme par l'offensive allemande et  qui doit se cacher de 1940 à 1942 dans une ferme près de Rouen. Le fermier qui l'héberge le fait travailler dans ses champs.  Il y aussi de véritables histoires d'amitié entre aidants et aidés avec des messages préparés à l'avance, transmis à la BBC et diffusés ensuite par Radio-Londres à leur retour en Angleterre à l'intention de la famille qui les avait si bien accueillis.  'Il n' y a plus de savon à barbe en France " (Message pour Gérard Salin du T/Sgt Harold Norris) ; pour Marius : "Robert, tout va bien";  "Arthur a rencontré Gaston, Alfred a rencontré Gaston";  "Chien rouge bien arrivé"; "La roulante d'André est en parfaite santé"; "Aux amis de Juliette, meilleurs voeux de Jo". Jo, c'était le S/Sgt Joseph De Franz. Les oreilles de quelques Helpers devaient donc être bien collées au poste de radio pour suivre les émissions de Radio-Londres "Les Français parlent aux Français", difficilement audibles car brouillées par les Allemands. A l'inverse de beaucoup d'autres, ces Helpers connaissaient au moins le destin de leurs protégés

 De nombreux évadés ont écrit leurs mémoires après guerre et ils donnent ainsi d'autres détails très précis sur la vie qu'ils ont menée avec leurs "Helpers". Des familles américaines ou anglaises racontent l'inverse. Leur père, leur oncle, se sont tus, traumatisés par les évènements qu'ils avaient vécu.

 Ce sont aussi les informations qui sont données par les aviateurs ou les soldats sur les installations militaires allemandes avec parfois, de  simples croquis ou des plans très précis. On observe et on note ainsi que 50 chars allemands Tigre sont alignés sur des wagons au mois de mai 1944 en gare de Montauban. Ce sont également les reproches faits à des guides pyrénéens qui leur "subtilisent" leurs bonnes chaussures pour les remplacer par des espadrilles avant de passer les Pyrénées, non sans avoir préalablement oublié de les rançonner en leur "demandant" l'argent qu'ils possédaient. Un refus les aurait exclus du groupe. Certains guides peu scrupuleux les abandonnaient aussi en montagne. Il fallait ensuite "payer" des bergers ou des bûcherons pour obtenir les renseignements sur les bons itinéraires vers l'Espagne.
 
 Malgré la formation qu'ils reçoivent préalablement en Angleterre sur les conduites à tenir et les décisions rapides à prendre en cas de parachutage en territoire ennemi, les cas de militaires angoissés, très nerveux  ou dépressifs ne sont pas rares et leurs camarades demandaient alors l'intervention d'un médecin local.

 Marie Louise Dissard
de Toulouse exigeait que tout candidat au passage des Pyrénées soit vu par un médecin pour évaluer leur état physique ou mental et si cet état était compatible avec les difficultés du parcours. Tout cela avant qu'il ne soit mis en contact avec les guides ou les convoyeurs qui allaient les emmener vers l'Ariège, la Haute Garonne..... Passer les Pyrénées surtout dans sa partie centrale, moins large qu'à ses extrémités mais très haute, était loin d'être une promenade de santé. Il fallait aussi éviter les nombreuses patrouilles allemandes souvent composées de montagnards autrichiens aguerris sans  possibilités de ravitaillement au cours du périple; périple qui pouvait durer de quatre à six jours en étant souvent mal chaussés et mal vêtus.  Certains sont morts épuisés dans la neige près d'Andorre,  décès qui arrivait après avoir été pris de violentes convulsions et au cours lesquelles, le guide posait dramatiquement le canon de son revolver sur la tempe de l'un d'entre eux afin de l'obliger à se relever. Cet aviateur s'appelait William B Plasket. On retrouvera son corps et ceux de deux de ses camarades quelques mois plus tard à la fonte des neiges. D'autres consommaient alors les tablettes anti-fatigue de benzadrine présentes dans leur kit de survie. (Aids Box)

 Les médecins français (belges également) qui soigneront les blessés feront des prodiges tout au long de la guerre et on trouve parfois des descriptions d'opérations chirurgicales pratiquées sur la grande table de la salle à manger de la maison de l'hébergeur. Le 2/Lt McPherson, à la suite d'un plan d'évasion organisé par la Résistance dans un hôpital, subira lui, contre son gré, une opération de l'appendicite. On avait oublié de prévenir le chirurgien des modalités mises en oeuvre pour faire évader l'aviateur. Il aura fallu l'aide deux gendarmes et d'un infirmier pour qu'il soit allongé et lié sur la table d'opérations....  Manuel Rogoff tombé près de Puiseaux dans le Loiret, gravement brûlé au visage et arrivé aveugle chez le Helper, recevra des soins journaliers prodigués par un médecin et une infirmière et ce, malgré la forte présence de "La milice de Vichy" et la gestapo qui arrêtaient à tour de bras dans le secteur. Manuel Rogoff retrouvera la vue et rentrera en Angleterre en mars 1944 par la Bretagne en bénéficiant d'un rapatriement organisé de nuit par bateau. 
Généralités sur les "Evaders" ou "Escapers"
Etude de deux cas (RAF et USAAF)

Dernière modification de la page le 23 janvier 2020 
Août 2019 : la lecture et la traduction de plus de  3 000 rapports d'évasion américains (E&E....) et de 300 rapports britanniques (SPG ......), entreprises depuis quatre ans,  amènent à ces premières conclusions et généralités. Elles pourront donc évoluer dans le temps avec le travail effectué actuellement sur les rapports d'évasion de militaires britanniques, canadiens, australiens.......
L'histoire des évadés (ou échappés) est connue grâce aux rapports d'évasion établis à leur retour en Angleterre. Ils étaient alors interrogés par des militaires des services secrets anglais ou américains. La réalité était parfois un peu plus complexe pour les aviateurs américains qui, arrivés à Gibraltar après avoir franchi les Pyrénées, étaient alors interrogés par les services secrets anglais à leur entrée dans cette enclave britannique. 
 
Le rapport d'évasion était ensuite signé par le militaire qui s'engageait à ne divulguer ni informations, ni noms donnés lors de l'interview afin de ne pas mettre en danger les personnes citées mais aussi à ne pas renseigner les familles des autres membres de l'équipage de l'avion ou de militaires ou aviateurs qu'ils auraient pu éventuellement rencontrer lors de leur périple d'évasion. Ces dossiers sont archivés à la NARA à Washington pour les Américains et à Kew en Angleterre pour les pays du Commonwealth. 
 
Dans ces évadés, on trouve des soldats du corps expéditionnaire anglais de 1940, des marins, des aviateurs de toutes nationalités, des soldats américains ou des pilotes de planeurs perdus dans la tourmente des combats vers Cherbourg après le débarquement du 6 juin 1944, en définitive un panel extrêmement large On trouve également quelques prisonniers échappés des camps en Allemagne et quelques soldats anglais, fait prisonniers à Tobrouk, enfermés dans un camp en Italie et qui, après s'en être échappés, arriveront à Perpignan via Marseille pour se diriger ensuite vers Gibraltar sous la protection des Consuls anglais présents en Espagne . On découvre aussi dans la liste des évadés, des soldats canadiens débarqués à Dieppe en 1942, des marins de la Royal Navy qui participèrent à l'opération "Chariot" visant le port de Saint Nazaire ou des commandos impliqués dans l'attaque de la base des sous-marins de Bordeaux. 
 
Grâce au calcul automatique intégré dans le logiciel "French Helpers", entre la date de naissance, si celle-ci est renseignée, et la date où ces militaires deviennent MIA (Missing In Action), il est possible de dire que le plus âgé, connu à ce jour, avait 42 ans et , le plus jeune 18 ans. La plus grande majorité avait entre 21 et 23 ans. 
 
Concernant la durée d'évasion, l'étude faite sur un groupe de 1 700 évadés , majoritairement américains, amène au bilan suivant : 
 
Moins de 1 mois à 1 mois : 266  
entre 1 et 2 mois : 324  
entre 2 et 3 mois : 399  
entre 3 et 4 mois : 236  
entre 4 et 5 mois : 133  
entre 5 et 6 mois : 115  
entre 6 et 7 mois : 72  
entre 7 et 8 mois : 67  
entre 8 et 9 mois : 27  
entre 9 et 10 mois : 13  
entre 10 et 11 mois : 9  
entre 11 mois et un an : 13  
entre 1 et 2 ans : 23  
plus de 2 ans : 1  
3 ans et demi : 1  
4 ans et demi : 1  
 
 
 Les premiers et plus nombreux évadés furent des soldats anglais qui échappèrent à la débâcle de 1940 et ne purent rentrer en Angleterre par l'opération "Dynamo". Cachés par la population après s'être parfois échappés des colonnes de prisonniers, ils seront plus de 2 500 à rentrer en Angleterre et pendant la même période on commencera à trouver dans la liste des évadés des aviateurs de la RAF (britanniques, Polonais, quelques Canadiens) abattus en France.  
 
 Les aviateurs anglais seront majoritaires dans les premières années du conflit. Bombardements sur l'Allemagne, l'Italie du Nord, le Nord de la France. Les patrouilles de chasse amèneront elles aussi, leur lot d'aviateurs abattus. Les autorités anglaises feront alors savoir aux réseaux d'évasion qui s'étaient bien structurés, de n'exfiltrer que des aviateurs en oubliant les soldats d'infanterie. Avec le nombre de pertes, les besoins de la RAF en aviateurs expérimentés étaient très importants et les temps de formation pas assez longs pour aguerrir suffisamment les jeunes pilotes. Ce fut le cas pour le réseau "Comète" créé par Mme
Andrée De Jongh de Bruxelles quand un Consul anglais en charge en Espagne lui demanda de ne plus convoyer que des aviateurs; son réseau exfiltrait par le pays basque. Olga Baudot de Rouville, infirmière tourquennoise, complètement "brûlée" dans le Nord, avait fuit en zone libre. Elle travailla successivement pour Ian Garrow (arrêté, libéré par la Résistance et rentré en Angleterre) puis le Lieutenant Guérisse (nom de guerre Pat O'Leary : arrêté et déporté) et ensuite pour Marie-Louise Dissard (nom de guerre 'Françoise'). Après guerre, elle écrivait qu'en 1942 : "On avait ordre de ne plus prendre de soldats mais les pilotes et les aviateurs, puis les officiers, les médecins, les spécialistes. Il restait donc des hommes planqués qui ne pouvaient pas partir et qu’il fallait nourrir. Il en est resté beaucoup comme ceux-là, assimilés à la population civile, ayant femme et enfants. Mais il commençait à pleuvoir des pilotes."  
 
 
 Quelques pilotes anglais seront abattus deux fois et réussiront à rentrer à chaque fois en Angleterre, d'autres trouveront la mort quelques mois plus tard après leur évasion. En très grand majorité, les pilotes évadés de la RAF, RCAF, RAAF repartaient au combat, les Américains rentraient au pays et devenaient très souvent instructeurs. A noter le cas contraire du 1/Lt américain Chuck Yeager dont l'avion est abattu entre Bazas et Grignols en Gironde et qui repartira dans son unité après que la Résistance française l'ait exfiltré de France par les Pyrénées. Il terminera la guerre avec le grade de capitaine avec 12,5 victoires homologuées. Après guerre, il deviendra pilote d'essai et sera le premier homme à passer le mur du son le 14 octobre 1947 à bord de l'avion fusée Bell X1. 
 
 Puis, au milieu de l'année 1942, après l'entrée en guerre des USA en décembre 1941, on commence à voir tomber de nombreux Américains dont les escadrilles de bombardement et de chasse étaient majoritairement basées dans le Nord-Est de l'Angleterre. Le 2/Lt
Robert E Smith, 7ème évadé américain (E&E 7), tombe le 26 septembre 1942 dans le Finistère. 
 
 Ils seront, au total, toutes nationalités confondues, près de 9 500 à pouvoir regagner l'Angleterre. Ce nombre semble important mais il est à relativiser avec le nombre de tués ou de prisonniers. Un grand nombre d'évadés n'auront également participé qu'à un très petit nombre de missions et tomberont en Belgique, Hollande ou en France après avoir participé à seulement quatre ou cinq missions.  
 
 Selon Jean Pierre Duhard qui cite le journal "Le Matin" du 27 mars 1944. Ce journal rapportait que les pertes en aviateurs anglo-américains depuis le début de la guerre, dépassaient 190 000, comprenant tués, prisonniers et disparus. 
 
 Des sources américaines estimaient qu'en trois ans de guerre (décembre 1941-décembre 1944), la 8e US Air Force eut à déplorer la perte de 10 561 avions : 6 866 forteresses et 3 695 chasseurs. Chez les hommes, sur un effectif de 350 000, il y eut : 
 
  • 32 000 tués 
  • 14 000 blessés 
  • 33 000 prisonniers, envoyés dans des camps allemands réservés. 
  • 3 064 évadés ou échappés américains : soit moins de 1% de l'ensemble des militaires de la 8ème Air Force américaine qui combattait en Europe : pilotes, radios, bombardiers, mitrailleurs, personnels au sol, mécanos, armuriers.......

 La défense anti-aérienne (FLAK), les chasseurs allemands de nuit et de jour, les collisions entre avions alliés, les pannes d'essence, les moteurs endommagés qui s'arrêtent, les incendies qui se déclarent dans les avions touchés, seront donc très majoritairement les causes, responsables de la mort , des blessures ou de l'évasion de milliers d'aviateurs alliés. Quelques uns seront aussi tués par des patrouilles allemandes juste après leur parachutage. Ce fut le cas pour le Sgt Radio américain James d'AMORE abattu froidement à Sainte-Bazeille dans le Lot et Garonne le 5 mars 1944 quelques minutes après son atterrissage. 
 
 Le hasard les faisait tomber partout en France, en Belgique, au Luxembourg,en Hollande, au Danemark sans oublier l'Allemagne : dans les champs, dans les jardins, sur les toits des maisons, dans les cours de fermes, dans les arbres, dans les rivières, dans les gares de triage..... Richard Weiss tombe dans la cour d'une ferme de Cocumont dans le Lot et Garonne, entre dans la première pièce de l'habitation au moment même où naissait une petite fille. Il deviendra le parrain de coeur de cette petite fille et, lorsqu'elle entrera à l'école quelques années plus tard, on lui donnera le surnom de "L'Américaine". 
 
 Commencent alors de prodigieuses, comiques, dramatiques, brutales ou belles histoires où se mêlent tristesse, drames, rires ou violences. C'est l'histoire d'un aviateur, tombé en Charente, qui part vers le sud vers les Pyrénées à bicyclette et passe dans Oradour sur Glane le surlendemain du massacre. Le lieutenant Murphy écrivit dans son rapport d'évasion : "J'ai vu un enfant crucifié...". C'est l'histoire d'un combat entre un soldat allemand, un Résistant et un aviateur. Le corps du soldat sera jeté dans un puits. C'est l'histoire d'aviateurs qui sont cachés dans le grenier d'une maison et qui observent par les espaces laissés entre les planches disjointes du plafond, les tortures infligées au couple de Français qui les hébergeait. C'est l'histoire d'aviateurs qui se font chasser de leurs premiers lieux de cache par les habitants du secteur. C'est l'histoire d'aviateurs qui reçoivent la visite d'une maman, pleurant toutes les larmes de son corps, et qui les supplie de ne plus attaquer les trains français. Ses trois enfants évacués de Paris pour être mis en sécurité au sud de la capitale avaient été tués dans le train mitraillé par des chasseurs alliés. C'est l'histoire d'aviateurs qui décrivent des groupes de Résistance en Dordogne dans lesquels ils sont intégrés parfois contre leur gré, et qu'ils considèrent comme de véritables "bandits" de grand chemin dont l'unique but est de piller les riches demeures de la région. C'est l'histoire d'aviateurs qui décrivent la vie amoureuse des Résistants en indiquant que l'homme qui était venu leur rendre visite était visiblement l'amant de la maîtresse de maison.  
 
 Ce sont aussi ces aviateurs qui doivent passer la nuit sur les toits en raison de la brutale irruption de la gestapo dans la maison où ils sont hébergés. Ils devront quitter le secteur en s'introduisant le lendemain matin dans la maison voisine par une fenêtre du grenier. Toute la famille avait été arrêtée dans la nuit après que le père de famille eût subi la torture de la baignoire. Il y aussi le récit d'une brève liaison entre un aviateur et l'institutrice qui le cachait ou la convoyeuse qui se fiance avec l'un des ses protégés pendant le voyage vers Toulouse. Elle le retrouvera après guerre, à son retour d'un camp de prisonniers, pour se marier avec lui et quitter ainsi sa Hollande natale pour habiter aux USA. C'est aussi l'histoire d'un général de brigade anglais, piégé avec son unité à Lucheux dans la Somme par l'offensive allemande et qui doit se cacher de 1940 à 1942 dans une ferme près de Rouen. Le fermier qui l'héberge le fait travailler dans ses champs. Il y aussi de véritables histoires d'amitié entre aidants et aidés avec des messages préparés à l'avance, transmis à la BBC et diffusés ensuite par Radio-Londres à leur retour en Angleterre à l'intention de la famille qui les avait si bien accueillis. 'Il n' y a plus de savon à barbe en France " (Message pour Gérard Salin du T/Sgt Harold Norris) ; pour Marius : "Robert, tout va bien"; "Arthur a rencontré Gaston, Alfred a rencontré Gaston"; "Chien rouge bien arrivé"; "La roulante d'André est en parfaite santé"; "Aux amis de Juliette, meilleurs voeux de Jo". Jo, c'était le S/Sgt Joseph De Franz. Les oreilles de quelques Helpers devaient donc être bien collées au poste de radio pour suivre les émissions de Radio-Londres "Les Français parlent aux Français", difficilement audibles car brouillées par les Allemands. A l'inverse de beaucoup d'autres, ces Helpers connaissaient au moins le destin de leurs protégés 
 
 De nombreux évadés ont écrit leurs mémoires après guerre et ils donnent ainsi d'autres détails très précis sur la vie qu'ils ont menée avec leurs "Helpers". Des familles américaines ou anglaises racontent l'inverse. Leur père, leur oncle, se sont tus, traumatisés par les évènements qu'ils avaient vécu. 
 
 Ce sont aussi les informations qui sont données par les aviateurs ou les soldats sur les installations militaires allemandes avec parfois, de simples croquis ou des plans très précis. On observe et on note ainsi que 50 chars allemands Tigre sont alignés sur des wagons au mois de mai 1944 en gare de Montauban. Ce sont également les reproches faits à des guides pyrénéens qui leur "subtilisent" leurs bonnes chaussures pour les remplacer par des espadrilles avant de passer les Pyrénées, non sans avoir préalablement oublié de les rançonner en leur "demandant" l'argent qu'ils possédaient. Un refus les aurait exclus du groupe. Certains guides peu scrupuleux les abandonnaient aussi en montagne. Il fallait ensuite "payer" des bergers ou des bûcherons pour obtenir les renseignements sur les bons itinéraires vers l'Espagne. 
 
 Malgré la formation qu'ils reçoivent préalablement en Angleterre sur les conduites à tenir et les décisions rapides à prendre en cas de parachutage en territoire ennemi, les cas de militaires angoissés, très nerveux ou dépressifs ne sont pas rares et leurs camarades demandaient alors l'intervention d'un médecin local. 
 
 Marie Louise Dissard de Toulouse exigeait que tout candidat au passage des Pyrénées soit vu par un médecin pour évaluer leur état physique ou mental et si cet état était compatible avec les difficultés du parcours. Tout cela avant qu'il ne soit mis en contact avec les guides ou les convoyeurs qui allaient les emmener vers l'Ariège, la Haute Garonne..... Passer les Pyrénées surtout dans sa partie centrale, moins large qu'à ses extrémités mais très haute, était loin d'être une promenade de santé. Il fallait aussi éviter les nombreuses patrouilles allemandes souvent composées de montagnards autrichiens aguerris sans possibilités de ravitaillement au cours du périple; périple qui pouvait durer de quatre à six jours en étant souvent mal chaussés et mal vêtus. Certains sont morts épuisés dans la neige près d'Andorre, décès qui arrivait après avoir été pris de violentes convulsions et au cours lesquelles, le guide posait dramatiquement le canon de son revolver sur la tempe de l'un d'entre eux afin de l'obliger à se relever. Cet aviateur s'appelait William B Plasket. On retrouvera son corps et ceux de deux de ses camarades quelques mois plus tard à la fonte des neiges. D'autres consommaient alors les tablettes anti-fatigue de benzadrine présentes dans leur kit de survie. (Aids Box) 
 
 Les médecins français (belges également) qui soigneront les blessés feront des prodiges tout au long de la guerre et on trouve parfois des descriptions d'opérations chirurgicales pratiquées sur la grande table de la salle à manger de la maison de l'hébergeur. Le 2/Lt McPherson, à la suite d'un plan d'évasion organisé par la Résistance dans un hôpital, subira lui, contre son gré, une opération de l'appendicite. On avait oublié de prévenir le chirurgien des modalités mises en oeuvre pour faire évader l'aviateur. Il aura fallu l'aide deux gendarmes et d'un infirmier pour qu'il soit allongé et lié sur la table d'opérations.... Manuel Rogoff tombé près de Puiseaux dans le Loiret, gravement brûlé au visage et arrivé aveugle chez le Helper, recevra des soins journaliers prodigués par un médecin et une infirmière et ce, malgré la forte présence de "La milice de Vichy" et la gestapo qui arrêtaient à tour de bras dans le secteur. Manuel Rogoff retrouvera la vue et rentrera en Angleterre en mars 1944 par la Bretagne en bénéficiant d'un rapatriement organisé de nuit par bateau.
Manuel Rogoff photographié par le pharmacien de Puiseaux - Sources : Association historique de Puiseaux
Manuel Rogoff après guerre avec Keith Sutor chez Mme Bourdois - Son mari fut déporté - Sources : Association historique de Puiseaux
 Les descriptions faites dans les rapports d'évasion et les noms ou pseudos qui y sont donnés permettent parfois de comprendre les schémas  d'organisation des réseaux d'évasion. Qui faisait les photos pour les fausses cartes d'identité ? Qui venait les interroger pour tenter de découvrir le faux aviateur allié qui voulait  s'introduire dans le réseau ? Qui les logeait ? Certains donneront aussi le nom et le prénom d'un  homme qui les avait convoyés de Paris à Marseille. Il s'agissait en fait du pseudo d'un soldat anglais à la solde de la gestapo, déjà condamné avant guerre en Angleterre pour de nombreux délits : Harold Cole. Les conséquences liées à ces infiltrations pour les réseaux "infectés" furent dramatiques. Parfois même ce sont de jeunes Résistants, fragilisés psychologiquement car brûlés dans le Nord, et qui, par leur trop grande nervosité ou leur perte de contrôle feront arrêter des groupes entiers près des montagnes, ainsi que des hébergeurs parisiens. (Affaire Jean Woussen)

 L'étude des voyages de ces évadés montre également des "Evasion Trips" (formule employée outre-atlantique) à peine croyables, pour  au moins, ceux qui sont tombés avant mars 1944.  A partir du printemps 1944, il leur était conseillé de rester en France pour attendre l'arrivée des troupes alliées.Ce fut le cas pour
Homer H Badgett, tombé à Quesnoy sur Deûle en juillet 1944 et qui attendra l'arrivée des troupes anglaises à Aubers dans une ferme de la commune. On constate ainsi que les derniers evaders ou escapers ont un rapport d'évasion beaucoup plus court et plus synthétique, nettement moins dans le récit que ceux écrits avant cette date. 

 Il est intéressant de relater brièvement l'Evasion Trip du
F/O Thomas Wilby qui se blesse en tombant à Marboz dans l'Ain au retour d'une mission sur Turin. Le capitaine, commandant l'avion qui était parti en vrille, avait donné l'ordre de sauter. Il fut le seul à sauter en parachute car le capitaine réussit finalement à redresser son appareil et à le faire regagner l'Angleterre pour finalement s'écraser à l'atterrissage. Le médecin qui soigne Wilby le dénonce aux Allemands et il est envoyé à l'hôpital de Bourg en Bresse. Avec l'aide d'un médecin de l'hôpital, il réussit à s'échapper pour gagner ensuite Lyon après avoir tenté de faire soigner ses blessures caché dans une maison de la région. En prenant le train pour Toulouse, il fait connaissance, par hasard, de deux Résistants qui le mettent ensuite en contact avec Jules Himpe, mari d'Hélène Himpe de Tourcoing. Jules Himpe l'envoie dans le Nord en l'assurant que son épouse avait les moyens de le faire rapatrier en avion. Arrivé à Tourcoing, après avoir découvert que ce plan était parfaitement  irréalisable,  il est à nouveau pris en charge par un médecin, le Docteur Deconinck habitant la ville. Il passe ensuite chez Valentine Ployart à la Madeleine qui mourra quelques mois plus tard en déportation  et chez Monsieur et Madame d'Hallendre. Monsieur Eugène d'Hallendre sera fusillé au fort de Bondues. Sa femme et son fils seront déportés. Wilby sera ensuite pris en charge par le réseau "Comète" qui l'enverra à  Paris, puis Bordeaux, Dax, Anglet, Saint Jean de Luz, Urrugne et enfin San Sébastien pour arriver à Gibraltar après 164 jours passés à sillonner la France du Nord au Sud et du Sud au Nord. Il aura réussi à franchir tous les contrôles, sans papiers, tout au moins dans son voyage vers le Nord. Presque sans argent, empruntant des trains bondés et grouillant d'agents et de policiers allemands. Il aura traversé Paris pour se rendre de la gare Montparnasse à la gare du Nord et inversement. On a peine à croire à cette incroyable odyssée, heureusement  prouvée par la lecture des dossiers NARA des French Helpers.

C'est aussi cet aviateur américain qui est hébergé dans une famille de la Somme et qui décide de tenter seul le voyage vers l'Espagne. Il arrive à Pau via Paris. Il voyage grâce à l'argent que lui ont donné ses hébergeurs picards. A Pau, il tente désespérément de trouver une filière qui lui permettra de passer les Pyrénées (et pourtant elles y sont bien présentes), il décide alors, ce qu'il considère être une sage décision, de regagner la Somme pour retourner dans la maison où il avait été hébergé précédemment. Ces personnes finiront pas le mettre ensuite entre les mains d'un réseau d'évasion qui réussira à le faire exfiltrer de France par les Pyrénées.

 Pour d'autres, ce furent les incessantes allées et venues entre la Bretagne et Paris. L'argent pour le bateau que voulait acheter des membres de la Résistance pour regagner l'Angleterre avait été "récupéré" par les Allemands, à la suite d'arrestations,  ou l'opération prévue et organisée conjointement entre la marine anglaise et la Résistance avait été brusquement annulée à la suite d'autres d'arrestations de Résistants dans les ports bretons. 

 Les groupes constitués pour le passage des Pyrénées n'étaient pas exclusivement constitués de militaires (aviateurs ou soldats). Il est décrit des familles juives,  des civils de toutes nationalités et,  à partir du printemps 1943, de nombreux jeunes voulant échapper au S.T.O instauré par une loi du 16 février 1943 de l'Etat français dirigé par le Maréchal Pétain. Dans quelques régions, les autorités espagnoles ont tenu une parfaite comptabilité de ces passages et l'historienne Emilienne Eychenne, auteure de nombreuses publications consacrées au franchissement des Pyrénées pendant la seconde guerre mondiale, avait retrouvé une partie des listes établies avec les noms des personnes qui étaient entrées en Espagne. Avant  qu'elle ne décède, elle a pris soin de les déposer aux Archives Nationales. Il  est donc possible de les visualiser en ligne.  Elles témoignent de l'extrême diversité des personnes qui ont pris le risque de franchir cette chaîne de montagnes pour quitter l' Europe soumise à la botte allemande. 

 Dans ses mémoires, le
F/O Milton Ramsey, raconte qu'une famille juive composée de parents et de leurs deux enfants adolescents accompagnait  en mai 1944, son groupe d'évasion composée d'aviateurs américains et d'un anglais. On y comptait aussi un Français et un Canadien. La famille, trop lourdement chargée,  ralentissait la file;  énervé, un des guides jeta plusieurs de leurs valises dans le ravin. Plus haut dans la montagne, incapable de suivre le rythme imposé par ces mêmes guides, cette famille fut finalement contrainte de quitter le groupe pour être mise en sécurité dans un petit village de montagne, accompagnée  par l'un des deux "contrebandiers".  Ce guide rejoindra le  groupe le lendemain en assurant ses membres que tout s'était bien passé. La famille juive était en sécurité. Avait-il dit la vérité ? Ces mêmes guides abandonneront plus tard le groupe en haute montagne assez loin de la frontière et du village de La Caneja en Espagne qu'ils parviendront quand même à rejoindre deux jours plus tard.

 Dans l'exemple donné ci-dessus, aucun des Américains ne donne le trajet suivi depuis Toulouse vers les Pyrénées. Le
SPG 1993 du Sergent   anglais Frédéric Greenwell est bien plus détaillé sur ce sujet. On apprend qu'ils sont descendus du train peu avant Montrejeau. Pour un groupe donné, il y a donc grand intérêt à regrouper l'ensemble des informations contenues dans les rapports pour retrouver le scénario complet du voyage.
 
 Les plages de Plouha avec les opérations "Bonaparte", les ports du Finistère comme ceux de Camaret ou de Douarnenez furent également le point de départ de bateaux où avaient embarqué de nombreux évadés pour regagner l'Angleterre. Les opérations "
Bonaparte"  prenaient appui sur les vedettes rapides de la marine de guerre anglaise et le réseau Shelburn.   Pour l'exemple du port de Camaret, il s'agissait de simples bateaux de pêcheurs souvent acheter par les réseaux de Résistance. Dix bateaux se sont "évadés" du port de Douarnenez. Le dernier fut le "BREIZ-IZEL" qui s'engagea à 3 heures du matin le 21 janvier 1944, dans le chenal de sortie de Tréboul,  avec,  à son bord 15 évadés et des civils français qui voulaient rejoindre l'Angleterre.

 L'ensemble est donc parfois assez difficile à suivre, témoignant ainsi de l'organisation millimétrée des réseaux d'évasion. Un groupe qui se forme un jour dans une commune, est séparé le lendemain. On les envoie dans différentes maisons.  On se retrouve ensuite dans une troisième commune pour ne plus jamais être convoyés ensemble par la suite.

  De nombreux aviateurs ou soldats initialement évadés  furent arrêtés au cours de leur périple d'évasion dans les trains, à la frontière espagnole, chez les hébergeurs.... Ce fut le cas pour le F/O Maurice Wilson  de la RAF au Boulou dans les Pyrénées Orientales.

Maurice Wilson chez Valentine Ployart avec son fils et une voisine - Sources : Musée de la Résistance de Bondues Fonds D'Hallendre
Parmi ces evaders/escapers , 83 Américains, 57 Britanniques et 26 Canadiens  connurent un sort peu enviable. Bafouant toutes les lois internationales, notamment celles signées à La Haye,  les Allemands les envoyèrent au camp de Buchenwald par le convoi parti de Compiègne,  le 15 août 1944. Paris venait juste d'être libérée. Il faudra  tout le courage des officiers du groupe qui refuseront de travailler dans les commandos du camp  et les vives  protestations de la Croix Rouge Internationale pour que ces aviateurs soient enfin transférés vers des Stalags.   Deux manqueront à l'appel, décédés dans le camp.
Jean de Blommaert, membre du réseau Comète confia à Lucien Boussa la charge de créer un camp pour les aviateurs alliés au printemps de 1944. Au total ce seront 152 aviateurs de toutes nationalités qui furent cachés dans la forêt de Fréteval dans le Loir et Cher. Parmi tous ceux qui étaient  envoyés de Paris pour rejoindre  le camp, seul un groupe de cinq aviateurs convoyé par Virginia d'ALBERT LAKE a été arrêté. Après avoir été torturée non sans avoir préalablement avalé le plan du camp, elle fut déportée par le convoi du 15 aôut 1944. Le ravitaillement du camp, les soins apportés aux aviateurs seront assurés par des habitants des villages situés aux alentours de la forêt.
M.I.9/S/P.G./LIB/56. du F/Lt. Maurice Hugh Gordon WILSON de la R.A.F
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Ce document a été établi après l'interview du 11 juin 1945,  Maurice WILSON avait été  libéré par l'armée soviétique le 22 mai 1945.Sa copie m'a été transmise par un grand spécialiste des réseaux d'évasion (Pat O'Leary, Bourgogne, Shelburn....) et auteur de nombreux livres sur le sujet : Monsieur Keith JANES
 Maurice WILSON cite de nombreuses personnes dans son rapport plus de deux ans et demi après son arrestation. On y note très peu d'erreurs dans les adresses ainsi que dans l'orthographe des noms. Toutes ces personnes ont été reconnues "French Helpers" par les autorités alliées après guerre.

 Il en a oublié d'autres et pas des moindres :
Roger LE NEVEU, dit le Légionnaire, membre de la Gestapo qui avait infiltré et finira par faire tomber l'organisation Pat O'Leary. Les Résistants de Toulouse, pour ceux ou celles qui passeront entre les mailles de la vague d'arrestations  menée par la gestapo,  "oublieront malheureusement de prévenir" les autres régions françaises ou "comprendront assez tardivement" le sinistre rôle de Roger Le Neveu dans les arrestations qui décapitèrent l'organisation. Et pourtant, certains membres de cette organisation avaient de sérieux doutes sur cet homme depuis de nombreux mois.  Il continuera ainsi à causer d'importants ravages  dans les rangs des Résistants bretons membres de Pat O'Leary et de Bordeaux-Loupiac. Dans son rapport french helper NARA, Louis NOUVEAU décrit très exactement tous les évènements liés à cette infiltration. A son retour de déportation, Louis NOUVEAU n'osera jamais à en reparler à ses anciens camarades de peur qu'ils ne lui reprochent une certaine responsabilité dans l'infiltration de Roger LE NEVEU dans les organisations bretonnes. 

 Roger LE NEVEU convoiera Maurice WILSON,
Arthur COX.... (et bien d'autres) depuis PARIS vers TOULOUSE. Maurice WILSON a-t-il été informé, après guerre, de ce terrible hasard qui l'amena à côtoyer un des pires traîtres français ? Il n'en parle pas dans ses courriers à Mme D'Hallendre. Il n'est pas interdit de penser que son arrestation près du Boulou avait été planifiée grâce aux informations transmises à la Gestapo par Roger LE NEVEU.  La présence de Fabien DE CORTES dans le groupe, cadre de Pat O'Leary, a probablement joué en la défaveur de Maurice WILSON.

 Il oublia également de citer les époux
D'HALLENDRE de La Madeleine près de Lille ainsi que Valentine PLOYART. Les photos archivées dans les Fonds d'Hallendre au musée de la Résistance de Bondues prouvent son passage dans cette commune située près de Lille et à leur domicile. Il a également été pris en charge à Arras par Rosine WITTON-TERRIER
 que connaissait bien Eugène D'HALLENDRE, technicien SNCF à  la gare d'ARRAS. 
Rosine WiITTON-THERRIER avec deux évadés HOEN et MARTIN - Sources : Musée de la Résistance de Bondues Fonds D'Hallendre
Madame D'HALLENDRE, Maurice WILSON, une voisine et Valentine PLOYART - Sources : Musée de la Résistance de Bondues Fonds D'Hallendre
Eugène D'HALLENDRE et un évadé - Sources : Musée de la Résistance de Bondues Fonds D'Hallendre
Outre le questionnaire de prisonnier demandé par les services secrets anglais présent dans le SPG de Maurice WILSON, un document rempli par Fabien DE CORTES, à son retour de déportation, a été joint au dossier. Document annoté par Pat O'Leary lui-même. Il indique que l'attitude de Maurice WILSON a été particulièrement exemplaire lors des interrogatoires qui ont  suivi leurs arrestations. Les conseils donnés pour la mise en place de la stratégie décidée conjointement entre Maurice WILSON, Fabien DE CORTES et Pierre RYCKEBUSCH ont leurré la gestapo pendant trois mois, ce qui permettait, au moins le pensaient-ils, une potentielle mise en sécurité des autres personnes ayant participé à l'évasion. La torture subie et le risque important de perdre son statut de prisonnier de guerre n'ont pas modifié, chez Maurice WILSON, son attitude imprégnée d'indéfectible solidarité envers ces Résistants français.  
En 1945, le bilan, pour tous les Helpers (connus à ce jouret qui ont aidé, hébergé ou convoyé Maurice WILSON est le suivant : 
Alfred GAVALLE  
Raymond André HETROY  
Docteur Pierre CUALLACI  Déporté
Docteur Henri ARTISSON Déporté, mort en déportation
Rosine WITTON-THERRIER Déportée
Valentine PLOYART Déportée, morte en déportation
Edgar D'HALLENDRE Déporté
Eugène D'HALLENDRE Fusillé au fort de Bondues près de Lille
Lucienne D'HALLENDRE-BUYSSE Déportée
Augustine MONGELARD Déportée
Stanislas MONGELARD Déportée, mort en déportation
Jean VEITH Déporté
Paul ULMANN Déporté, mort en déportation
Pierre MARTIN Emprisonné ou déporté
Julienne MARTIN Déporté
René Pierre SAINSON Déporté, mort en déportation
Lucie SAINSON  
Yves et Germaine JEAN  
Mme PAPEDUKA-VIAL  
Marie-Louise DISSARD  
Henri LACOMBE Déporté
Thérèse LACOMBE  
Suzanne LACOMBE  
Pierre RYCKEBUSH Déporté
Fabien DE CORTES Déporté
   
Roger LE NEVEU Retrouvé, arrêté et exécuté par la Résistance française en juillet 1944
Dans un excellent français, Maurice WILSON écrit à Madame Lucienne D'HALLENDRE en janvier 1946. ...........On peut noter un petit détail en fin de courrier : "Il lui demande de l'excuser pour sa façon d'écrire le français..... !!"
La traduction de tous les documents des archives anglaises est placée dans la synthèse établie par le logiciel "French Helpers" à partir des éléments relatifs à chaque Helper. Elle  détaille tout le parcours d'évasion du F/Lt Maurice WILSON. Les sources sont nombreuses : Musée de la Résistance de Bondues, SHD Vincennes (cotes) , FMD Caen (cotes), dossiers "French Helpers" NARA d'Augustine et Stanislas MONGELARD,  de Marie Louise DISSARD, d'Henri, Thérèse et Suzanne LACOMBE de Toulouse, du dossier GR 21 P de Valentine Ployart,  dossiers archivés à KEW et  transmis par Keith JANES... 
E&E n°47 du Sgt Arthur COX de l'U.S.A.A.F
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Ce document a été établi après l'interview du 6 juillet 1943,  Arthur COX faisait partie de l'équipage d'un bombardier B-17, abattu le 9 octobre 1942 lors du bombardement de l'usine de locomotives de Fives-Lille. Sur un équipage de 10 hommes, il  sera le seul à s'échapper,  3  membres seront faits prisonniers, 6 seront tués dans le crash de l'appareil.  Après avoir été pris en charge par des personnes dans la région de Douai, il arrivera chez Valentine PLOYART de La Madeleine et sera également en contact avec la famille D'HALLENDRE. Paul LISFRANC, ami et supérieur d'Eugène D'HALLENDRE le convoiera à Paris . Paul LISFRANC sera fusillé au fort de Bondues près de Lille. Son chemin d'évasion suivra exactement celui de Maurice WILSON de la R.A.F. après avoir été pris en charge par l'organisation Pat O'Leary. Il aura beaucoup plus de chance que Maurice WILSON. Il réussira à passer en Espagne  non loin du col du Perthus et rentrera en Angleterre le  28 juin 1943 via Gibraltar.
A suivre.........