15 jours au coeur de la Bataille de France
Page créée le 6 septembre 2025  - Mise à jour le 23 septembre 2025
     Préambule : 

     Les trois documents qui suivent ce préambule, différent de l'ensemble des S/PGs (Rapports d'évasion britanniques) traduits à ce jour, de par le profil des personnes interrogées à leur retour en Angleterre. 

    Cent pour cent de ces récits, sont calibrés, partitionnés en différentes annexes. Récits de soldats ou d'officiers de la B.E.F (British Expeditionnary Force) arrivés en France en 1939 ou au début de 1940, d'aviateurs, de commandos, de pilotes de planeurs, de parachutistes du jour J ou de marins. 

    Or, les S/PGs numérotés 25,26 et 28 ont un caractère exceptionnel parce qu'ils sont le récit de femmes  d'origine anglaise, conductrices d'ambulance.


    Sauf erreur de ma part, il s'agit des seuls interrogatoires de femmes sur l'ensemble des S/PGs archivés aux "National Archives" à Kew en Angleterre ou à la NARA à Washington aux USA. 

     Leur récit ne répond à aucune des règles d'organisation connues pour ce type de rapport. On lit plutôt un journal autobiographique où se mélangent  les dures réalités de son vécu,  d'insignifiants détails face à l'ampleur de la tragédie qui se joue dans les campagnes de France en mai juin 1940 voire quelques échappées poétiques hors des combats, loin des blessés. 

     La plupart des témoignages des soldats britanniques de la BEF, ont un point commun : la fulgurance et la force de l'attaque allemande. Miss Juta nous en fait prendre conscience  notamment lorsque son convoi croise une unité de panzers stationnée dans les champs.

     Le réalisme de la description des routes encombrées de réfugiés montre une situation absolument dantesque et un indescriptible chaos. 

      Le livre de Marc Bloch (*) "L'étrange défaite" analyse les causes de la défaite et tente d'expliquer les carences de l'organisation de nos armées en 1940;  Miss Juta complète cette analyse, en quelques lignes, par le goufre abbysal qui existait entre les armées franco-anglaises et la Wermacht : une simple barricade contre une division blindée. La lutte était inégale et tout se termine par un "Sauve qui peut" général selon "Miss Juta".

     Le rythme s'accélère au fur et à mesure des journées à un point tel que l'unité au sein de laquelle sont intégrées ces conductrices anglaises n'est plus capable de mener la mission qui aurait dû être la sienne : transporter les blessés. On déballe et on remballe presque aussitôt.

       On suit également l'actualité grâce à leur radio portative. Le ressenti de la population française est également perceptible.

     Une première lecture m'a initialement fait douter de la véracité des faits décrits dans le journal de Constance Marjorie JUTA. Mais par chance, les aviateurs cités par cette dernière ont également un S/PG. Ils ont été intérrogés à des dates différentes et probablement dans des lieux différents. Le récit des aviateurs corrobore exactement celui de Clémence Juta. Il a été également possible de vérifier d'autres informations notamment sur les identités des personnes citées.

      Une phrase est interpellante : les soldats allemands de la division blindée semblent "fatigués" mais en pleine forme. Ce qui semble être un détail, ne serait-il pas le témoignage de la distribution de doses de pervitine aux soldats de la Wermacht ? Amphétamines   ou drogue euphorisante qui permet de ne pas dormir et avoir un sentiment de toute puissance.

   
   Les trois documents qui suivent contiennent tous les mêmes informations avec parfois d'importantes différences dans le détail des faits rapportés dans chaque paragraphe. Constance Marjorie JUTA a été interrogée par le M.I.9 le 26 juin 1940 et les S/PGs 25 et 26 sont à relier avec cette date. Quant au S/PG 28, il est le résultat de l'interrogatoire effectué le 5 juillet 1940 de la principale intéressée et de Pénélope OTTO appartenant à la même unité. 

      Le nombre de S/PGs déjà traités montre qu'il est relativement rare d'interroger plusieurs fois le même militaire. Si un militaire rentré en Angleterre devait être interrogé plusieurs fois, il l'était par d'autres services et ce, dans des cas assez rares et très précis comme des compléments d'enquêtes pour des affaires dans lesquelles il était impliqué ou il avait côtoyé un militaire suspecté de faits graves. Dans le cas de nos conductrices d'ambulance et des aviateurs de la R.A.F qu'elles ont convoyés, on n'est pas donc dans ce qu'on retrouvera généralement pour les 7000 autres qui suivront et rejoindront l'Angleterre. Plusieurs seconds interrogatoires seront nécessaires aux Officiers du M.I.9 pour confronter les versions ou compléter le rapport du F/Lt BARRETT de la R.A.F établi le 23 juin 1940 et portant sur l'assistance donnée à son équipage par  Penélope OTTO et Ursula LLOYD BENNET, de la même unité sanitaire que Constance JUTA. Le /Lt BARRETT (S/PG 14), rentré de France, avait déjà été interrogé le 13 juin 1940 à Londres. Tous ces militaires , hommes ou femmes, sont parmi les tous premiers à être rentrés en Angleterre avant ou juste après l'armistice de juin 1940 et la division de la France en zones libre et occupée.


  •        Le S/PG 25 est une synthèse du M.I.9 sur le récit de Constance Marjorie  JUTA. (3 pages dans le document original)
  •        Le S/PG 26 est le récit de Constance  Marjorie  JUTA (8 pages dans le document original)
  •        Le S/PG 28 est appelé "précis" et reprendre des éléments du 26 (5 pages dans le document original)


(*) Marc Bloch, professeur en chaire à la Sorbonne, mobilisé en août 1939, ne connaîtra pas la parution de son livre rédigé de juillet à septembre 1940. Entré en Résistance, arrêté, il sera fusillé le 16 juin 1944. Un de  ses amis, le Docteur Canque,  enterra le manuscrit dans sa propriété d'Orcines et le rendit à la famille Bloch après guerre. 

Clémence Marjorie JUTA - Sources : https://www.npg.org.uk/collections/search/person/mp54467/marjorie-juta
S/PG 25 
 
MISS C.L. JUTA 
Interrogée le 29 juin 1940 
      Adresse : M.T.C. Headquarters, 34 Lower Belgrave Street, Londres S.W.1 

   Mlle Juta et ses collègues faisaient partie du Château de Blois Ambulance Corps, composé de cinq ambulances données au gouvernement français par des donateurs américains, sous la direction de M. H.G. Huffer. L’Ambulance Corps était rattaché à une formation connue sous le nom de « groupe d’ambulances corps d’armée ». Ce groupe comprenait 13 chirurgiens et médecins, 8 infirmières, 55 hommes (cuisiniers, brancardiers, chauffeurs d’ambulance). Il s'agissait de la première ambulance chirurgicale de campagne et des premières interventions chirurgicales destinées aux blessés au-delà du front. Les conductrices des cinq ambulances, membres des Transports mécanisés de Grande-Bretagne, étaient les seules femmes conductrices de ce corps d'armée. Le commandant d'état-major du MTC est Mme Cook. 

   Ce qui suit est un bref journal de leur vie quotidienne pendant la quinzaine historique du 4 juin 1940. 

4 juin 

   Le lendemain du bombardement de Paris, ils quittèrent l'hôpital Lecker
(Necker) avec l'ensemble des ambulanciers du château de Blois et se dirigèrent en convoi vers MONTMORT, leur destination supposée. Ils découvrirent que le Centre de Santé s'était déplacé à Sézanne. Ils arrivèrent enfin devant un château en ruine où la section sanitaire s'apprêtait à faire le ménage et à construire un hôpital. Partout, des tentes étaient camouflées dans le parc. Ils proposèrent l'hôpital aux infirmières « Popotte » et se couchèrent. 

5 juin 

    Des dispositions ont été prises le lendemain pour leurs déplacements. 

6 juin  

    Ils furent affectés à une section spéciale organisée pour le traitement des blessés par oxygénothérapie. Trois ambulances se dirigèrent vers Villays
( ? Vélye ?) et deux vers Crouy-Sorroucq (Crouy-sur-Ourcq) et atteignirent leur destination. Il fut constaté que les masques français pour l'oxygénothérapie étaient inutilisables. M. Huffer et Mme Juta durent donc retourner en acheter d'autres. 

8 juin
 
    Retour à Crouy-Sorroucq
(Crouy-sur-Ourcq) à 16h. Des nouvelles étaient arrivées que les Allemands avançaient rapidement et l’ordre d’évacuation a été immédiatement donné. Tous les blessés ont été évacues. 

9 juin 
   
    L'évacuation fut grandement entravée par l'afflux de réfugiés et la circulation dense, les ponts sur la Marne devant être détruits à 21 heures ce jour-là. Toute l'aide possible fut apportée pour nourrir les réfugiés et les soldats. Le soir, les troupes se replièrent sur Rebais. 

10 juin 

     Halte, attente d'instructions. Nuit en cantonnement. 

11 juin 

  Départ à 9h pour Beton-Beauchoux
(Beton-Bazoches) Même la route était congestionnée. À ce moment-là, il n'y avait plus de communication avec personne. Aucune nouvelle de nos projets futurs 

12 juin 

      Transfert de blessés errants à l’hôpital de Provins. 

13 juin 

   Se rend au quartier général du colonel FLANDIN pour récupérer leurs bagages supplémentaires après avoir lutté contre des flots de réfugiés, de convois et de gros canons. De retour avec quelques provisions achetées à Provins, ils découvrent qu'ils ont été évacués vers Château Minin
( Château des Minimes à Courchamp - Information transmise par  Mr Jean-Claude Terrillon ). Ils chargent deux ambulances lourdes avec leur matériel et les envoient à Saint-Valérien, près de Sens. Trois ambulances sont laissées vides, prêtes à intervenir à Provins pour l'évacuation des blessés. Ils chargent les blessés et partent pour Sens, via Bray. Un pilote de la RAF blessé, descendu en parachute, est placé à l'avant de l'ambulance. Les blessés sont laissés à Sens, où l'observateur de ce pilote le rejoint. Retour à Provins pour récupérer d'autres blessés et arrivée vers 22h30, après avoir parcouru moins de 13 km en trois heures et demie.
 
     À PROVINS, la population civile avait entièrement disparu. Un officier et deux officiers de la R.A.F. furent retrouvés (le lieutenant d'aviation BARRETT) et ramenés. Après deux opérations, les ambulances furent chargées et repartirent pour SENS. On leur conseilla d'emprunter la route de NOGENT plutôt que celle de BRAY .(Bray sur Seine) Ces instructions leur furent données par un ambulancier néerlandais de leur formation, qu'ils eurent par la suite des raisons de considérer avec suspicion.

     Ils partirent à 1 h du matin. À 2 h 30, alors qu'ils empruntaient une route déserte, ils furent arrêtés par un feu rouge. Ils s'arrêtèrent au bord du trottoir et entendirent « Halte » dans un allemand parfaitement clair. La lumière rouge s'illumina par la fenêtre et des revolvers furent pointés sur leurs tempes. Ils reconnurent des casques allemands. On leur demanda ce que c'était, ce à quoi ils répondirent « Section Sanitaire ». Les Allemands les forcèrent à se ranger sur le bord de la route et, une à une, les 15 ambulances furent disposées comme un parking. On leur ordonna de dormir jusqu'à l'aube. À 3 h 30, la voie ferrée de NOGENT fut détruite par de terribles explosions, à environ 200 mètres d'eux. 

      Le lendemain, ils furent interrogés avec courtoisie, intégrés à un convoi, placés sous surveillance armée et renvoyés par la route de Sézanne. On leur dit qu'ils devaient prendre les blessés à Saint-Quentin. Ils avaient obligé les deux hommes de la R.A.F. à retirer leurs manteaux et à faire semblant d'être commotionnés. On observa une importante circulation militaire allemande pendant la nuit : très efficace et bien dirigée, avançant rapidement et avec une bonne discipline de marche. Les chars semblaient se déplacer silencieusement. 

       Les Allemands étaient dans l'ensemble jeunes, fatigués, mais alertes et rasés de près. 

       Mlle Juta jeta son revolver, craignant que cela ne lui soit reproché. 

       Ils traversèrent des troupeaux de moutons que les Allemands menaient devant eux. 

       Leur seule escorte était un officier allemand dans la première ambulance et un sous-officier dans la dernière. 

      À Villeneuxe
(Villenauxe-la-Grande), ville en ruines fumantes, une rumeur circula selon laquelle les Français avançaient, ce qui stoppa la colonne. Dans la confusion, deux des trois ambulances – la première conduite par Mlle OTTO et la seconde par un médecin français, Mlle JUTA – se détachèrent et foncèrent vers une bifurcation qui, pensaient-elles, menait à Provins. Elles descendirent une route ouverte, sans abri. Les champs bordant la route étaient occupés par des canons et des chars. Le long de la route, d'autres forces mécanisées arrivèrent vers elles. Elles les dépassèrent, poursuivirent leur route et personne n'ouvrit le feu. Poursuivant leur progression rapidement, elles atteignirent le sommet d'une côte et croisèrent des motocyclistes français qui tentaient de contacter l'ennemi. Elles atteignirent une barricade où se trouvaient de nombreux soldats français et pénétrèrent dans les faubourgs de Provins. Ils réalisèrent que leur troisième ambulance ne les suivait pas – conduite par Mlle DERBY et Mlle MYERS. Il y avait peu d'essence, ils firent donc le plein et continuèrent la lutte le long des routes. Ils reprirent le chemin de retour par le dernier pont de Montereaux pour rejoindre leur unité à Saint-Valérien, où ils retrouvèrent M. HUFFER, ANGUS et HEARD. Ils confièrent les trois hommes de la R.A.F. à ANGUS et HEARD pour qu'ils soient transportés à la base d'Orléans et amenèrent les blessés français à l'hôpital. 

       Cette nuit-là, ils se dirigèrent vers Château Renard - mêmes conditions difficiles sur la route et aucun espoir de nourriture ou de lits - ils dormirent dans les ambulances. 

15 juin 

       Attente d'instructions et furent envoyées à LES NAUDINS.
( ? Département de l’'Yonne près d’Auxerre ?)  

16 juin 

      Cantonnement au Château de la Verrerie (Oizon dans le département du Cher). Où elles entendirent du Marquis de VOGÜE que les négociations entre la France et l’Allemagne étaient en cours. 

17 juin 

      Départ pour Auberoney (Aubigny-sous-Sère). Appris à 11 h 30 que la France avait formé un nouveau gouvernement militaire sous Pétain. Départ pour Allogny où j'appris que la France avait demandé l'armistice. 

18 juin 

       Départ sur une route très encombrée, il nous a fallu 4 heures et demie pour parcourir 9 km et arriver à REUILLY ; nous avons été envoyés à PAUDY, puis à ARGENTEN (Argenton-sur-Creuse) . Nous avons rangé les ambulances sous les arbres et dormi.. 

20 juin 

     Ils décidèrent que la guerre était finie en France et qu'ils devaient se débrouiller seuls. Le capitaine français acquiesça et leur dit qu'il n'était pas nécessaire d'obtenir un permis et qu'ils devaient se diriger vers la mer. M. HUFFER décida de se rendre à Bordeaux. Ils laissèrent une ambulance à la disposition des Français et partirent pour Bordeaux, où ils trouvèrent l'ambassade britannique et furent transportés en Angleterre.  
Mon texte multi-lignes
S/PG 26 
 
Quinze jours au coeur de la Bataille de France
Interrogée le 29 juin 1940 

    Nous sommes membres du Château de Blois Ambulance Corps, composé de cinq ambulances offertes au gouvernement français par les donateurs américains suivants de Palm Beach. 

    Mrs P.James Donohue, Mrs Charles Munn, Mr Rosenblaum, Comtesse Madame d’Aillières et un groupe de Pittsburg. 

     Sous le commandement de M. H.G. Huffer.

Sources : Charles Munn - https://education.pbchistory.org/pbc-people/munn-sr-charles-a/ 
   Le corps d'ambulance est rattaché à une formation appelée « Ambulance légère », une composante d'un groupe d'ambulance de corps d'armée. Notre formation se compose de treize chirurgiens et médecins, de huit infirmiers et infirmières de S.B.W. formés et de cinquante-cinq hommes (cuisiniers, brancardiers et ambulanciers). Elle constitue une première ambulance chirurgicale de campagne et dispense les premiers soins chirurgicaux aux blessés à l'arrière du front. Les conductrices des cinq ambulances sont membres du corps de transport mécanisé de Grande-Bretagne et sont les seules femmes conductrices de ce corps d'armée. Voici le journal de notre vie quotidienne au cours des deux dernières semaines historiques.  

4 juin 

     Le lendemain du bombardement de Paris, parti de l'hôpital Necker à 11 heures avec l'ensemble du corps d'ambulances du château de Blois, nous avons poursuivi notre route en convoi vers Montmort, notre destination supposée, pour finalement découvrir que le Centre de Santé s'était déplacé à Sézanne. Nous sommes finalement arrivés au château en ruines où la section sanitaire était sur le point de faire le ménage et de construire un hôpital. Des tentes partout, camouflées dans le parc. Les infirmières nous offert l'hospitalité dans leur "popotte" et nous sommes couchés après un discours charmant au mess des officiers, suivi d'un verre de bourgogne pétillant et d'une discussion sur les nouvelles entendues sur notre radio portable, relatant la retraite épique de Dunkerque et le sauvetage miraculeux de 365 000 hommes du Corps expéditionnaire britannique. 

5 juin 

    Nous sommes allés avec M. HUFFER à Troyes pour recevoir les instructions de la 4e armée ; nous avons déjeuné avec le Général Worms et son état-major et sommes revenus avec toutes les dispositions prises. À notre retour, on nous a dit que nous devions rester avec la 6e armée. 


Général Gustave WORMS  
(Directeur des services médicaux - 4ème armée – 8/12/1939 – 5/07/1940)  
Né le 8/09/1882 – Décédé lé 9/12/1943 

6 juin 

     À 8 heures, M. HUFFER est allé chercher des instructions à Sézanne. Il a appris que nous devions rejoindre une section spéciale organisée pour le traitement des blessés par oxygénothérapie. Nous devions d'abord aller chercher des tubes à oxygène à Saint-Dizier, puis retourner à Sézanne et récupérer des masques et les acheminer vers deux centres de la région de Soissons. Le corps des ambulanciers devait être divisé en deux groupes : trois ambulances pour Villiers et deux pour Crouy-sur-Ourcq. Nous avons traversé la Champagne déserte et récupéré 25 bouteilles d'oxygène dans une ferme près de Saint-Dizier, où elles avaient été retirées après le bombardement de Vitry-le-François. Le soleil couchant, la poussière et le bétail sur la route ont rendu la progression difficile, mais nous sommes arrivés à 21 heures à l'hôpital complémentaire, avons déposé Otto et Angus (deux autres conductrices) et avons continué par la route sinueuse jusqu'à Crouy-sur-Ourcq. M. HUFFER nous a quittés après avoir été présenté aux docteurs Le Maire, Le Nègre et Joli, spécialistes de l'oxygénothérapie avec lesquels nous devions travailler, promettant de revenir le lendemain. 

    On nous a offert un dîner à 22 heures dans une « popotte » d'infirmières et nous avons réalisé que nous étions sur le véritable théâtre de guerre. 

     Crouy était le point le plus avancé où les femmes étaient admises. 

     Les blessés affluaient sans cesse des postes de secours. 

    L'opération se poursuivit jour et nuit ; médecins et infirmières travaillaient sans relâche depuis 48 heures. Deux mille tombes avaient été creusées à proximité, car seuls les cas les plus graves sont conduits vers un premier point chirurgical.  

7 juin 

   M. HUFFER s'entretint avec les docteurs Le Maire, Le Nègre et Joli, et il fut constaté que les masques français étaient inadaptés. M. HUFFER décida de retourner immédiatement à Paris pour chercher des masques américains. 

    Quatre ambulances furent laissées à leurs stations et nous nous rendîmes rapidement à Paris pour aller chercher des masques auprès du docteur Lettles et des renforts au quartier général du M.T.C, car le travail semblait considérable. 

    Pendant ce temps, le personnel s'installa à Villiers-sur-Marne, un immense sanatorium pouvant accueillir 3 000 lits, situé dans un cadre enchanteur. Il y régnait une paix idyllique, l'atmosphère de guerre n'étant ramenée au pays que par le flot constant des ambulances, arrivant et repartant, et le vrombissement lointain des avions qui passaient. 

    Cet hôpital d'évacuation était connu sous le nom de « H.O.E » où les blessés étaient pansés, opérés et, dès que possible, transportés vers les trains-hôpitaux, puis plus au sud.  

8 juin
 
     Des renforts, Mlles Myers et Lloyd Bennett (conductrices), et M. HUFFER ont acheté des masques américains pour accélérer les choses. 
 
      Déjeuner luxueux au Bois de Boulogne et au Pavillon Royal, sous des parasols colorés, à l'ombre des arbres, avec des hortensias en fleurs et des cygnes sur le lac. 

    À 16 h, nous étions à CROUY-SUR-OURCQ. Tout était en effervescence, car on nous avait annoncé l'avancée rapide des Allemands. 

      L'ordre d'évacuer immédiatement avait été donné. 

     Les infirmières ont accompli un travail remarquable en emballant et en chargeant les blessés. Les pauvres diables revenaient tout juste d'opérations difficiles et devaient être transportés immédiatement. 

    Nous les avons aidés à monter sur les civières et avons vu pour la première fois des flaques de sang sur les lits, sous les pansements, et des hommes courageux qui essayaient de ne pas broncher pendant leur déplacement. 

    Les infirmières étaient d'une douceur touchante, traitant les blessés comme des petits garçons. Nous sommes finalement partis lourdement chargés et avons pris la route en convoi « S.O.S » (Section Secours Oxygène, comme on nous appelait) au complet. 

    Les trois médecins, les trois infirmières, tout leur matériel, les bouteilles d'oxygène et nous-mêmes, sommes allés à VILLIERS, avons récupéré Otto et Angus et avons été logés chez eux.
 
      Nous avons dîné littéralement au milieu des blessés : des brancards gisaient partout, des civières sur la table, les médecins travaillant d'arrache-pied. 

      Nous avons terminé le dîner et sommes allés nous coucher.
 
     Otto et Angus nous ont appelés pour emmener les blessés vers différentes destinations. 

     Réveillés à 1 h 30 et sommés de faire leurs bagages et d'évacuer immédiatement. 

     Nous avons fait nos bagages dans le noir et nous sommes levés à l'aube.  

9 juin 

     Quelle journée incroyable ! 

    Départ en convoi à 5 h 15 et, après douze heures de route, nous ne sommes plus qu'à 10 kilomètres de Villiers-sur-Marne. Depuis le bois, où les ambulances sont garées sous les arbres, nous pouvons apercevoir le paysage et contempler la vallée de la Marne. 
 
      Nous avons dormi dans les champs après un petit-déjeuner dans un café de Pavant, composé de café noir, de pain et de moutarde. 

     Nous sommes descendus au village pour déjeuner et avons retrouvé les docteurs Le Maire et Joli, tout juste arrivés, épuisés mais de très bonne humeur, déterminés à retourner à Villiers pour la nuit.
 
    De retour au bois, nous nous sommes allongés et avons commencé à lire de la poésie, les oiseaux chantant dans les acacias et le coucou criant, lorsque la nouvelle est arrivée que les ponts sur la Marne allaient sauter à neuf heures. 

    Depuis lors, des flots de réfugiés, camions, ambulances, charrettes, vélos, canons de 75, chevaux, artillerie, fantassins, traînards, vieilles femmes poussant des brouettes ont défilé dans un chaos incessant. 

     Chariots, mules et chevaux – de grandes bêtes de somme trois de front, hommes ivres à cheval, petits enfants, vieilles femmes conduisant leurs vaches, les pathétiques paquets domestiques des réfugiés, transportés sur des charrettes tirées par des tracteurs, volailles dans des cages suspendues entre les roues, canaris en cage sur des brouettes, chiens alsaciens haletants tirant des poussettes avec des bébés ou des paquets à l'intérieur – femmes poussant un kart d'une main et un vélo de l'autre – petits garçons portant des lourdes charges – tous transpirent sous la chaleur intense, couleur brique brûlée.
  
     Le bruit arrive par vagues. Le rugissement des camions, des tracteurs et les cris des hommes - puis le silence et nous nous allongeons dans un champ de boutons d'or et le cri du coucou sort gaiement du silence.  

     Après le déjeuner, nous sommes allés dans une petite église, très ancienne, où un aviateur, tout seul, jouait de l'orgue. 

    La paix de l'atmosphère était indescriptible. Sous la statue de Sainte Thérèse, on pouvait lire les mots « Après ma mort, il pleut des roses ». La France la prie à nouveau. 

   Maintenant, les hommes fatigués, après quatre jours de route, passent, morts de fatigue et de faim. Nous leur donnons tout le pain et les cigarettes que nous pouvons trouver. 

    Ils parlent toujours d'avions, d'avions, d'avions et du mitraillage des convois sur la route. 

   Lorsque les embouteillages se sont débloqués, M. HUFFER et M. Le Maire sont retournés à Villiers chercher les bouteilles d'oxygène restantes avant que les ponts ne sautent. 

   Puis, nous sommes partis en convoi le soir et, dépassant tous les véhicules qui venaient de nous dépasser, nous sommes arrivés aux abords de Rebais. 

   Nous avons dîné dehors dans la cour d'une ferme, nous avons raconté les plaisanteries des trois jeunes médecins et l'odeur du fumier, puis nous sommes allés à Rebais et avons trouvé des lits. 

10 juin 

   Ambulances garées dans une charmante cour à Rebais. Nous sommes tous assis et vaquons à nos occupations. Pas de nouvelles d'Angus, parti à l'aube hier avec un chargement de blessés pour Montmirail. J'espère qu'elle nous rejoindra aujourd'hui. Otto brosse Wigger, notre labrador noir, et les autres filles lisent ou écrivent des lettres. 

    Journée sans incident. Nous avons dormi dans des logements.  

11 juin 

   Départ à 8 h pour Betonne-Bazoche. Arrivée à quelques kilomètres au Château Minimum, en cours de transformation en poste de secours. 

  Déballage des ambulances et renvoi du matériel inutile au quartier général du colonel FLANDIN. Conduite d'une ambulance lourdement chargée avec deux médecins et embouteillages habituels de réfugiés et de convois sur la route. 

   Ravie de voir des « 75 » monter au front. 

   La journée était menaçante et orageuse. Profondément affligé par le sentiment de démoralisation des Français. C'est sans doute parce que nous sommes derrière les combattants, parmi la populace, que cet état d'esprit règne. Mais on ressentait un immense poids de dépression qui nous faisait prendre conscience de l'intensité de ce moment critique. « La bataille de France » ou « la bataille de Paris ». 

   Appel des nouvelles au retour et constat de la terrible gravité de la situation. Avec l'Italie en guerre depuis quarante-huit heures, avec l'avancée de l'encerclement de Paris qui se poursuit régulièrement, avec Rouen, le Havre et la Basse Seine envahis d'un côté et Villiers occupé sur ce point. Cela semble impossible, mais est-ce simplement avec accomplissement ? On semble très isolé et les nouvelles anglaises sont rares  

   Angus est revenue au milieu d'une grande joie générale. On lui a aussi dit : « Ne t'inquiète pas, ils te retrouveront un jour. Reste avec notre convoi et travaille avec les bénis. » « Cela prendra peut-être trois jours, peut-être huit. » Quoi qu'il en soit, elle a été découverte à Sézanne et nous sommes tous ravis d'être réunis. Toujours aucune nouvelle de ce que nous allons faire. Nous avons dormi dans des ambulances, il faisait très froid. 

12 juin 

   Pluie et humidité, tout le monde était de mauvaise humeur. Il faisait très froid. Une ambulance a transporté des « blessés » à Provins, et personne d'autre n'a rien fait.

13 juin 

    Nous sommes allés au quartier général du colonel Flandin chercher nos bagages supplémentaires. Après avoir lutté contre des flots de réfugiés, de convois et de gros canons, nous sommes revenus avec quelques provisions achetées à Provins, pour finalement découvrir que nous évacuions Château Minimum. 

   Après avoir remballé et déballé les ambulances, nous avons enfin pu démarrer. Deux ambulances lourdes sont allées à Saint-Valérien, près de Sens, et trois étaient vides, prêtes à intervenir à Provins pour évacuer les blessés. 

   Nous avons chargé nos blessés et sommes partis pour Sens via Bray. Au départ, nous avons vu un parachutiste descendre et une grande excitation régnait lorsque les voitures se sont précipitées pour le récupérer. Il s'est avéré qu'il s'agissait d'un sergent pilote de la R.A.F., légèrement blessé à la jambe, tandis que nous l'avons chargé, lui et le parachute, dans la voiture en direction de Sens. Nous avons déposé nos blessés et avons trouvé son observateur qui venait d'arriver. Nous sommes partis en courant chercher le pilote et les avons réunis. Ils étaient ravis, car chacun s'était inquiété pour l'autre. Nous sommes partis sur des routes terriblement encombrées pour aller chercher d'autres blessés à Provins et sommes revenus vers 22h30. Nous avons dîné dans un bistrot désert, repas composé de biscuits à la cuillère, de crackers, de fraises et de cognac. Le Maire et le Nègre étaient ravis de nous voir, car nous étions les seules ambulances à être revenues et nous avions trouvé trois hommes de la R.A.F. dont l'avion s'était écrasé ; l'un était blessé et les deux autres étaient sains et saufs. Ils nous ont dit que les Allemands étaient dans les bois où nous étions le matin. 

    Nous avons attendu que les opérations sur les deux derniers patients soient terminées, puis nous avons embarqué trois hommes de la R.A.F. et les derniers blessés. 

  Nous avons traversé la grande salle pour découvrir que c'était la morgue. Quarante morts silencieux sur des civières. 

   On nous a conseillé de prendre la route de Nogent et de partir en convoi dans l'obscurité totale à une heure. À deux heures et demie du matin, alors que nous avancions sur une route déserte, nous avons été soudainement arrêtés par un feu rouge. Nous nous sommes arrêtés au bord du trottoir et avons entendu « Halte » d'une voix de stentor. En un instant, le feu rouge était à la fenêtre et un revolver pointé sur nos têtes. Nous avons reconnu trois casques allemands autour de la voiture et des fusils pointés sur nous. On nous a demandé ce que nous étions. Le Nègre a répondu : « Section sanitaire ». Les trois jeunes Allemands nous ont fait garer sur le bord de la route. En quelques instants, nos trois ambulances étaient disposées avec les douze autres voitures sanitaires, comme un parking au bord de la route. On nous a dit de dormir jusqu'à l'aube. À 3 h 30 du matin, ils firent sauter la voie ferrée de Nogent avec quatre explosions terribles, à moins de cent mètres de nous. À l'aube, ils nous interrogèrent très courtoisement et nous fûmes intégrés à un convoi, placés sous surveillance armée et envoyés sur la route de Saint-Quentin pour déposer nos blessés. Nous fîmes retirer leurs manteaux aux deux hommes de la R.A.F. non blessés et les fîmes semblant d'être commotionnés. 

  Nous avons vu toute la division « Panzer » à l'œuvre. Son efficacité était fabuleuse. Dans l'obscurité, nous avons vu des chars légers se déplacer très rapidement sur la route. Nous avons vu des motocyclistes, des fantassins et des cars de soldats s'avancer. Le fer de lance semblait avoir grandi, passant de trois sentinelles à une grande division mécanisée. En avançant, nous avons vu des
« charabandes » à chenilles
avancer avec des hommes assis, les bras croisés. Tous étaient jeunes, en forme, blonds. Tous semblaient d'une beauté sans pareille. Il n'y avait pas de masse dispersée d'hommes fatigués et endoloris. Tous étaient alertes, bien que fatigués. Ils devaient manquer de sommeil. Ils souriaient et voulaient fraterniser ; nous étions distants. Mon désir d'abattre un Allemand s'est évanoui. Ce n'étaient que de jeunes créatures humaines, le produit d'un système. J'ai lancé mon revolver d'armée, non par sentiment, mais parce que je pensais que c'était plus sûr. Nous avons continué sur les routes encombrées de moutons et la progression était lente. Le Nègre et Le Maire ont dit qu'ils étudieraient une carte pour ne pas se faire de souci. Nous avons vu de nombreux chevaux morts, quarante-neuf bus parisiens abandonnés, mais aucun cadavre humain au bord de la route. Tout était calme. 

Il est possible que le véhicule nommé "Charabande" par Miss Juta soit ce type de véhicule transport de troupe utilisée par la Wermacht.                    Sources : https://imagesdefense.gouv.fr/fr/un-semi-chenille-sd-kfz-8-tracte-une-piece-de-8-8-cm-flak-sur-la-via-balbia.html
Miss Nancy Heard et Miss Sheila Angus  - Sources : https://www.allysonlatta.ca/interview/more-interviews/conversation-with-elizabeth-and-sheila-yeoman/
    En arrivant à Villenauxe, une ruine fumante, une rumeur circula selon laquelle les Français avançaient. Le convoi fut arrêté et sommé de faire demi-tour. Dans la confusion, nous nous sommes précipités vers lui, l'une des bifurcations du carrefour menant à Provins. Cela semblait le seul espoir, mais nous avons continué tout droit à grande vitesse. Nous avons traversé des colonnes de chars allemands transportant des mitrailleuses montées sur des véhicules blindés. Personne n'a ouvert le feu sur nous. 

     Nous avons vu des canons et des chars placés dans les champs de maïs à intervalles réguliers. Nous avons continué très vite. Des mitrailleuses nous ont pointés du nez ; rien ne s'est passé. Nous avons gravi une côte et sommes tombés de l'autre côté sur les motocyclistes français avancés. Avons vu une barricade avec un bon nombre de soldats autour. Nous l'avons franchie et sommes entrés sains et saufs à Provins. Nous nous sommes félicités chaleureusement et étions comblés de joie d'être libres, mais très déçus d'avoir perdu une ambulance : Darby et Myers (conductrices). Seules nos deux ambulances sur quinze ont réussi à s'échapper, les autres sont restées prisonnières. Puis a eu lieu la terrible lutte habituelle sur les routes et nous avons fait demi-tour pour rejoindre notre unité à Saint-Valérien. 

     M. HUFFER, Angus et Heard étaient terriblement contrariés d'avoir été laissés pour compte. 

    Nous avons déjeuné au mess des officiers et les hommes étaient très intéressés par nos récits. Puis Le Maire et Le Nègre arrivèrent, tout droit sortis du rapport militaire qu'ils avaient fait à leur général sur la capture, et se montrèrent très amusants à propos de l'incident. Cela paraît irréel, fantastique, et un événement qui remonte à des siècles. On n'oubliera jamais trois choses : le bruit du « Halte » où l'on reconnaissait l'incompréhensible esprit militaire allemand et se sentait pris au piège, et la vue des chars défilant ; la jeunesse des visages alertes des hommes et la sensation de la distance aléatoire entre les fronts français et allemand, et les chars, canons et camions stationnés à intervalles réguliers dans le maïs. 

    Meilleurs moments de la nuit à Château Renard où, après de nombreux embouteillages, nous sommes arrivés trop tard pour trouver quoi que ce soit. Nous avons donc garé nos voitures sous les arbres et nous sommes endormis. 

Attendre l'arrivée d'Angus et Heard qui ont conduit nos trois aviateurs à leur base d'Orléans. 

15 juin (pas de 14 juin) 

     J'ai entendu dire que Saint-Valérien était complètement rasé. J'attends toujours Angus et Heard. Je me suis lavé au charmant Château Renard et j'ai trouvé du café noir et des biscuits pour le petit-déjeuner. Journée habituelle d'attente et de « déménagement ». Départ pour LES NAUDINS ; quatre personnes ont dormi dans une chambre. Un couple très charmant. 

16 juin 

    J'ai passé la journée aux Naudins. J'ai lavé mon linge à la pompe. J'ai dormi, puis je suis allé me promener au château de la Verrerie, un endroit exquis. Je me suis baigné dans le lac, la plus belle chose que j'aie faite depuis le début de la guerre. J'ai mangé des fraises des bois, puis, me sentant très féodal, je suis retourné à la misère de la « popotte » des infirmières. Nous avons découvert que nous étions logés au château. J'ai pris un bon bain chaud pour la première fois. J'attends toujours Angus et Heard. Saint-Valérien a été bombardé, donc notre communication ne leur est jamais parvenue.  
 
    Ce château possède une jolie chapelle construite par Marie Stuart. J'y ai prié pour les filles. J'ai parlé à la gouvernante anglaise de la gravité de la situation et de la position à prendre sur la Loire. J'ai dormi dans de vrais lits avec des draps. 

17 juin 

    Réveil à 7 h du matin, on nous a dit de quitter notre charmant château. Arrivée à Aubigny. Tentative de téléphone au quartier général du M.T.C. à Limoges, mais on nous a répondu que tous les membres du M.T.C. étaient partis. Passé la journée à discuter de la gravité de la situation et à nous demander si la France conclurait une paix séparée. Appris à 11 h 30 : la France avait formé un nouveau gouvernement militaire composé de Pétain, Weygand, Georges ( ??? ) et Dartan, (François Darlan ?) et avait décidé de se battre jusqu'au bout ou jusqu'à la victoire. Espérer que cela soit soutenu par davantage de matériel de guerre n'est pas une vaine promesse. 

     Sur le point de partir pour Allogny. Appris plus tard que la France avait signé un armistice. Une terrible dépression et des cafards partout. Nous avons continué la route avec ce qui semblait être une armée entière en fuite. Des soldats poussaient des poussettes avec leurs fusils à l'intérieur ; des bouteilles d'eau étaient accrochées à des charrettes ; crasse, bruit, confusion, de nombreux véhicules en panne partout au bord de la route. Arrivés à Allogny, nous avons pris un café au cottage, où nous avons entendu plus de discussions sensées que depuis longtemps. Une femme a qualifié les Français des vingt dernières années d'« enfants gâtés » et a déploré le manque de patriotisme dans toute la France. Nous avons dormi dans un bruit incroyable dans des voitures garées dans un fumier. Il a plu à verse.  

18 juin 

     ll pleut toujours. J'ai attendu les ordres dans la cour de la ferme. J'ai entendu dire que Bowryes ( ? Bourges ?) avait été bombardé la nuit dernière. J'ai écouté les nouvelles anglaises de minuit. Je n'y comprenais rien. On dit que l'Angleterre et la France ne font qu'un, pas deux. Même si la France signe un armistice, nous continuerons jusqu'au bout. Nous ne faisons qu'un ! Impossible de déchiffrer ça. 
 
     Départ sur la pire route encombrée que j'aie jamais vue. Il a fallu quatre heures pour faire neuf kilomètres. Chaleur épouvantable. Arrivée à Renilly (Reully) à 16 h. J'ai mangé du pâté et du petit beurre au bord de la route. Départ pour Paudy où nous avons dîné avec des officiers au milieu d'un nuage de mouches. Après le dîner, une route sombre et très rapide, vraiment sportive et excitante, traversant Inoudin (Issoudun), Châteauroux et Argenton. J'ai surmonté le stress habituel des réfugiés et des vélos partout sur la route, des canons, des chars et des camions de soldats et de déserteurs qui piétinaient le long de la route pour essayer d'obtenir des voitures.

      La campagne avait l'air magnifique. La lune blanche couvrait les champs et nous arrivâmes enfin à une ferme, où nous nous arrétâmes pour attendre les ordres. Puis nous retournâmes vers un charmant petit village, baigné de lumière lunaire, dans le calme et le sommeil. Nous avons déposé les ambulances sous les arbres de la place du village et dormi. Un bruit terrible a régné toute la nuit avec le passage des troupes. 

19 juin 

    Réveil matinal. Lavée et changée à la ferme. Petit-déjeuner tranquille, café au lait et crème. Longue conversation sur les « gens du Midi » : ils étaient les plus sales et les plus dégénérés que j'aie jamais rencontrés. La Provence, avec sa beauté et ses couleurs, est un pays que j'aime autant que n'importe quel autre au monde, et pourtant, pourquoi cette racaille devrait-elle en sortir ? 

    Aucune nouvelle précise concernant l'armistice, ni ses modalités. « La France continue de se battre », annonce la radio, mais on se demande avec quoi ? On sent qu'il est militairement impossible de tenir ce pays plus longtemps. Si les Français sabordent leur flotte ou la mènent en Angleterre, l'Angleterre peut, on suppose, poursuivre la guerre pendant de nombreuses années. Maillycornay (Malicornay près d’Argenton sur Creuse) est le nom du village d'où j'écris. 

     ll est étrange de constater à quel point l'époque où le moral de la France était encore intact est révolue. On s'est retrouvé emporté par l'un des plus grands affrontements de l'histoire. J'ai vu très peu de preuves de dignité humaine. L'ambiance « Sauve qui peut » était omniprésente. 

     Nous avons quitté Maillycornay (Malicornay) à minuit après avoir entendu des coups de feu ; les troupes se précipitaient sans cesse dans l'obscurité. Châteauroux a été lourdement bombardé. Plus tard, nous avons appris que les Allemands y étaient entrés. Nous sommes arrivés à destination après le trajet le plus rapide que nous n'ayons jamais eu, sans autre incident que le contournement d'un grand trou de bombe sur la route. Je me suis couché à 5 heures du matin sous des châtaigniers. 

20 juin
 

    L'armistice semble tarder, car le bruit des bombardements se fait encore entendre au loin. Nous avons passé la matinée à rédiger notre journal, interrompus par l'arrivée de M. HUFFER qui nous a annoncé la décision de quitter la formation et de nous rendre à Bordeaux. De là, nous prendrions un bateau pour l'Angleterre, si possible. Nous avons été entièrement d'accord, car nous avions convenu de ce plan en conférence. 

    Nous sommes allés à Limoges après avoir dit au revoir à Le Maire, Le Nègre et Vierencq. Ils étaient charmants et nous ont chaleureusement remerciés pour tout ce que nous avions fait pour eux. Ils ont dit que le « Corps d'ambulance du Château de Blois » serait leur seul souvenir de la guerre. 

      Dîner à Limoges où nous avons appris que le M.T.C. était parti en bloc cinq jours auparavant. Nous avons pris la route pour Bordeaux, avons rangé les ambulances dans la cour de la ferme et avons dormi. Il faisait très froid et bruyant. 

21 juin
 

    Départ à 5 heures du matin, au lever du soleil, dans une lumière éclatante. Arrivée à Bordeaux à une allure effrénée. Découverte de l'ambassade britannique à l'hôtel Montre. Immédiatement à l'hôtel, nous y trouvons le secrétaire de Lord Malise Graham, M. Mack, qui nous assure que nous pourrions obtenir un billet de retour. Nous acceptons de rencontrer Lord Malise Graham à 14h30. 

    Reçoit les instructions de Lord Malise Graham pour se rendre à Arcachon, puis embarquer pour l'Angleterre sur le croiseur Galates. Soirée à Arcachon, près de la Villa Dupuis, où nous trouvons les lances Hatfield et l'expédition Barren. 

    Dîner avec M. HUFFER dans un petit restaurant. Nous sommes tous très tristes de la dissolution du Corps d'ambulance du Château de Blois. Nous espérons nous rassembler ailleurs plus tard, là où il y a du travail. 

    Nous formions une unité parfaite, sans friction ni difficulté d'aucune sorte, sous la direction calme, courageuse et attentionnée de M. HUFFER. Espérons que nous retrouverons une certaine sphère d’utilité. 



Page 1 du S/PG 26 - Sources  "National Archives" Kew - Angleterre
Extrait du S/PG 14 : F/Lt Frederick Olivier BARRETT   -  Mission de bombardement sur un bois où se trouvaient de très nombreux tanks au S.E.  de Montmirail. (Forêt du Gault su sud-est de Montmirail)   -    Sources "National Archives" Kew - Angleterre
S/PG 28 
 
Precis of Report (Miss OTTO et Miss JUTA)
interrogées le 5 juillet 1940

SPG 28 JUTA (precis) 

Miss Juta rapporte qu’elle avait noté qu’en passant au milieu de la formation de Panzers, le personnel de ces tanks avaient peint leurs visages en noir. 

Information transmise par téléphone au M.I.14 5.7.40 (Isham – avons parlé à Whitefoord) 

05/07/1940 

SPG 28 JUTA (precis) 


Résumé du rapport sur les interventions auprès de l'armée française par les ambulancières britanniques du M.T.C. (Mlles Otto et Juta) 4 - 21 juin 1940 


     Mlles Otto et Juta, ainsi que trois autres membres du Corps de transport mécanisé, sont détachées auprès de l'unité d'ambulances du Château de Blois, sous la direction de M. H.C. Huffer (de nationalité américaine). Cinq des ambulances qui la composent ayant été offertes par des Américains, cette unité fut offerte au gouvernement français et rattachée à une formation appelée « Ambulance légère », une composante du Groupe d'ambulances du Corps d'armée. 

     Cette formation comprenait 13 chirurgiens et médecins, 8 infirmières S.B.M. formées et 55 hommes, dont des cuisiniers, des brancardiers et des ambulanciers. Leur mission consistait à prodiguer les premiers soins chirurgicaux immédiatement derrière le front, et les conductrices des cinq ambulances étaient les seules femmes conductrices de ce corps d'armée. Elles travaillaient avec l'armée française. 

4 juin 

     Le lendemain du bombardement de Paris, ils quittèrent l'hôpital Necker avec l'ensemble des ambulanciers du château de Blois et se dirigèrent en convoi vers Montmort, leur destination supposée. Ils découvrirent que le centre de santé avait été transféré à Sézanne. Ils arrivèrent enfin devant un château en ruine où la section sanitaire s'apprêtait à faire le ménage et à construire un hôpital. Partout, des tentes étaient camouflées dans le parc. On leur offrit l'hospitalité à la « popotte » des infirmières et elles se couchèrent. 

5 juin 

     Déjeuner à Troyes avec le général Worms pour recevoir les instructions de la 4e armée, mais à son retour, il lui fut demandé de rester avec la 6e armée. 
 
6 juin
  
     À 8 h, M. Huffer se rendit à Sézanne pour prendre des instructions. Il apprit qu'ils devaient rejoindre une section spéciale organisée pour le traitement des blessés par oxygénothérapie. Ordre fut donné d'aller chercher des tubes à oxygène à Saint-Dizier, de retourner à Sézanne pour récupérer des masques et de les acheminer vers deux centres de la région de Soissons. Le corps des ambulances devait être divisé en deux : trois ambulances pour Villiers-sur-Marne et deux pour Croûte-sur-Ourcq. 

   Traversée d'une région déserte de Champagne et récupération de vingt-cinq bouteilles d'oxygène dans une ferme de Vitry-le-François. Le soleil couchant, la poussière et le bétail sur la route rendirent la progression difficile, mais ils arrivèrent à 21 h. 

   Crouy était le point le plus avancé où les femmes étaient admises. Les blessés affluaient continuellement du poste de secours. Les opérations chirurgicales se poursuivaient jour et nuit ; médecins et infirmières travaillaient sans interruption depuis 48 heures. Deux mille tombes ont été creusées dans les environs. 

7 juin 

   M. Huffer s'entretint avec les docteurs Le Maire, Le Nègre et Jeli, et il fut constaté que les masques français étaient inutilisables. M. Huffer décida de retourner immédiatement à Paris pour chercher des masques américains. 

    Quatre ambulances furent laissées à leur station et une se rendit à Paris pour récupérer des masques auprès du Dr Lettles avec des renforts au quartier général du MTC. 

    Pendant ce temps, le personnel installa à Villiers-sur-Marne, un immense sanatorium pouvant accueillir 3 000 lits. Cet hôpital d'évacuation, connu sous le nom de « HOE », servait à panser, opérer et, dès que possible, transporter les blessés vers les trains-hôpitaux, puis vers le sud. 

8 juin 

    Des renforts ont été rassemblés : mesdames Myers et Lloyd Benett, ainsi que M. Huffer, qui ont acheté des masques américains. 

    À 16 h, nous étions à CROUY-SUR-OURCQ. L’agitation était palpable à l’annonce de l’avancée rapide des Allemands. Ordre d’évacuation immédiate avait été donné. Les infirmières ont accompli un travail remarquable, emballant et chargeant les blessés. Des hommes revenaient tout juste d’opérations lourdes et devaient être évacués immédiatement. 

    Les trois médecins, les trois infirmières, tout leur équipement, les bouteilles d’oxygène et eux-mêmes se sont rendus à VILLIERS et ont récupéré Otto et Angus. 

    Nous avons dîné littéralement au milieu des blessés : des brancards gisaient partout, des civières sur la table, les médecins travaillant d’arrache-pied. 

     Otto et Angus ont été appelées pour emmener les blessés vers différentes destinations. 

    Hébergés à 3 h du matin, on leur a dit de faire leurs bagages et d’évacuer immédiatement. Empaqueter dans le noir et mis en place à l'aube. 

9 juin 

     Le convoi s’est mis en marche à 5 H 5 et après 12 heures, seulement 10 kms avait été parcourus depuis Villiers-sur-Marne. 

    Réfugiés, camions, ambulances, charrettes, vélos, canons de 75, chevaux, artillerie, fantassins, traînards, vieilles femmes poussant des brouettes défilaient dans un chaos incessant. 

    Lorsque l'encombrement fut décongestionné, MM. Huffer et Le Maire retournèrent à VILLIERS chercher les bouteilles d'oxygène restantes avant que les ponts ne sautent. 

     Ils partirent en convoi le soir et, dépassant tous les véhicules qui venaient de les dépasser, arrivèrent aux abords de REBAIS. 

10 juin 

     Ambulances organisées à Rebais. Aucune nouvelle d'Angus, parti à l'aube hier avec un chargement de blessés pour Montmirail. Dormi dans des cantonnements. 

11 juin 

      Départ à 9 h pour Bétonne-Bazoche
(Beton-Bazoches). Arrivée à quelques kilomètres de Château Minimum, transformé en poste de secours. Déballage des ambulances et renvoi du matériel inutile au quartier général du colonel Flandin. Conduite d'ambulances lourdement chargées avec les deux médecins, et embouteillages habituels de réfugiés et de convois sur la route. 

    Arrivée d'Angus, découverte à Sézanne. Toujours aucune nouvelle de ce que nous devons faire. Coucher dans les ambulances, très froid. 

12 juin 

      Une ambulance à PROVINS avec des blessés. 

13 juin 

     Nous sommes allés au quartier général du colonel Flandin pour récupérer nos bagages supplémentaires.   Après avoir lutté contre un flot de réfugiés, de convois et de gros canons, nous sommes revenus avec quelques provisions achetées à Provins, pour découvrir que Château Minimum était en train d'évacuer. 

       Il y a eu beaucoup de chargements et de déchargements d'ambulances. Au départ, ils ont vu un parachutiste descendre : grande excitation, les voitures se sont précipitées pour le récupérer. Il s'est avéré qu'il s'agissait d'un sergent-pilote de la R.A.F., légèrement blessé à la jambe. Ils l'ont donc chargé avec son parachute dans la voiture et se sont dirigés vers SENS. Ils ont déposé leurs blessés et ont constaté que son observateur venait d'arriver. Ils sont partis en toute hâte chercher le pilote et les ont réunis. 

       Nous sommes partis sur une route terriblement encombrée pour aller chercher d'autres blessés à Provins et sommes revenus vers 22h30. Le maire et le nègre étaient ravis de les voir, car c'était la seule ambulance à être revenue et ils ont trouvé trois autres hommes de la R.A.F. dont l'avion s'était écrasé ; L'un d'eux était blessé et les deux autres étaient en bonne santé. Ils leur ont dit que les Allemands étaient dans les bois où ils se trouvaient le matin. 

       Nous avons attendu que les opérations chirurgicales sur les deux derniers patients soient terminées, puis nous avons embarqué trois hommes de la R.A.F. et les derniers blessés. 

        On nous a conseillé d'emprunter la route de Nogent et de partir en convoi dans l'obscurité totale à 13 h. À 2 h 30, alors que nous avancions sur une route déserte, nous avons été soudainement arrêtés par un feu rouge. Nous nous sommes arrêtés au bord du trottoir et avons entendu « Halte » d'une voix de stentor. En un instant, le feu rouge était à la fenêtre et un revolver a été pointé sur leurs têtes. Nous avons reconnu trois casques allemands autour de la voiture et des fusils pointés sur eux. On leur a demandé ce qu'ils étaient. Le Nègre a répondu « Section Sanitaire ». 

     Les trois jeunes Allemands les ont fait garer sur le bord de la route. En quelques instants, leurs trois ambulances étaient disposées avec les douze autres voitures sanitaires, comme un parking au bord de la route. On leur a dit de dormir jusqu'à l'aube. À 15 h 30, ils firent sauter la voie ferrée de Nogent avec quatre explosions terribles, à une centaine de mètres d'eux. À l'aube, ils furent interrogés avec beaucoup de courtoisie, intégrés à un convoi, placés sous surveillance armée et envoyés sur la route de Saint-Quentin pour déposer leurs blessés. Deux hommes de la R.A.F., non blessés, enlevèrent leurs manteaux et se firent passer pour des blessés. 
 
          Ils virent une division Panzer au travail. .

        Arrivés à Villenauxe, une ruine fumante, une rumeur courut que les Français avançaient. Le convoi s'arrêta et reçut l'ordre de faire demi-tour. Dans la confusion, ils se précipitèrent vers Provins, à l'embranchement du carrefour. Cela semblait être le seul espoir, mais ils poursuivirent tout droit à toute vitesse. Ils traversèrent des colonnes allemandes de chars et de mitrailleuses montées sur des automitrailleuses. 

       Ils poursuivirent leur route à vive allure et franchirent une barricade jusqu'à Provins sans encombre. Seules leurs deux ambulances sur quinze s'échappèrent ; les autres restèrent prisonniers, dont Derby et Myers. S'ensuivit la terrible lutte habituelle sur les routes, et ils reprirent le chemin du retour pour rejoindre leur unité à Saint-Valérien. 

       Ils se rendirent ensuite à Château-Renard où, après de nombreux embouteillages, ils arrivèrent trop tard pour trouver quoi que ce soit. Ils rangèrent donc leurs voitures sous les arbres et s'endormirent. 

       Ils aidèrent au retour d'Angus et Heard qui ramenèrent les trois aviateurs à leur base d'Orléans. 

15 juin 

      Avons entendu que Saint Valérien avait été bombardé. Attendons toujours Angus et Heard. Départ pour Les Naudins. 

16 juin 

       Journée de repos aux Naudins. 

17 juin 

       Réveil à 7 h et sommation de quitter le château. Arrivée à Aubigny. Tentative de téléphone au quartier général du M.T.C. à Limoges, mais on m'annonce que tout le M.T.C. est parti. 

     Suivi de la route avec ce qui semble être une armée entière en fuite. Arrivée à Alligny. Dormi dans un bruit incroyable dans des voitures garées dans une cour à fumier. Une pluie torrentielle. 

18 juin 

      Toujours la pluie. Attendons les ordres dans la cour de la ferme.
 
      Départ sur la route la plus encombrée jamais vue. Quatre heures pour faire neuf kilomètres. Chaleur terrible.
   
     Arrivée à Renilly à 16 h. Départ pour Faudy. Après le dîner, traversée d'Inoudin
(Issoudun), Châteauroux et Argenton. J'ai croisé les flots habituels de réfugiés et de vélos sur toute la route, ainsi que des fusils, des chars et des camions de soldats et de déserteurs qui marchaient péniblement le long de la route pour se faire prendre. 

19 juin 

      À Malycornay - départ à minuit 

20 juin 

    Arrivée de M. Huffer pour annoncer leur décision de quitter la formation et de se rendre à Bordeaux. De là, embarquer pour l'Angleterre si possible. 

    Arrivée à Limoges après avoir salué Le Maire Le Nègre et Vierencq ; ceux-ci les ont chaleureusement remerciés pour tout ce qu'ils avaient fait pour eux et ont déclaré que « le Corps d'Ambulance du Château de Blois » serait leur seul souvenir heureux de la guerre. 

       Dîner à Limoges où ils ont appris que le Corps d'Ambulance du Château de Blois était parti en bloc cinq jours auparavant.

       Départ pour Bordeaux, arrivée des ambulances à la ferme et nuit. Très pénible et bruyant. 

21 juin 

     Départ à 5 h du matin. Arrivée à Bordeaux. Découverte de l'ambassade britannique à l'hôtel Montre ; arrivée immédiate à l'hôtel où ils ont trouvé le secrétaire de Lord Malise Graham, M. Mac, qui leur a assuré qu'ils pourraient obtenir un billet de retour.

       Nous avons convenu de rencontrer Lors Malice Graham à 14h30.  

     Nous avons reçu des instructions de Lors Malice Graham pour nous rendre à Arcachon et embarquer pour l'Angleterre à bord du croiseur « Galates ». Nous avons passé la soirée à Arcachon, près de la Villa Dupuis, où nous avons trouvé les unités Hadfield-Speirs et Barrow. 

Informations complémentaires transmises par Mr Jean-Claude Terrillon
(Président de l'Association Archéonoxe  Villenauxe-la-Grande)

13 septembre 2025

Voilà, en effet, une aventure assez extraordinaire mais qui a échappé totalement à la mémoire locale. Cela n'a rien d'étonnant étant donné la multitude d'événements qui sont intervenus dans cette journée du 13 juin 1940 où Villenauxe a été envahie et en partie détruite, alors que la majorité de ses habitants l'avaient désertée. 
 
Villenauxe a été envahie le 13 juin aux environs de 17h et Nogent-sur-Seine vers 19h00, alors que Provins ne l'a été que le lendemain 14 juin. En se rendant, dans la nuit du 13 au 14, de Provins à Sens par Nogent, qui était occupée, plutôt que par Bray, qui était encore libre, les ambulancières faisaient le mauvais choix. Elles avaient raison de soupçonner l'ambulancier Néerlandais qui leur avait conseillé ce chemin de les avoir délibérément envoyé dans un piège. 
 
Après leur arrestation, les Allemands les envoient vers Sézanne en leur demandant de prendre au passage des blessés à St Quentin. Il s'agit probablement de St Quentin-le-Verger, village qui n'est pas directement sur la route de Sézanne mais se situe sur un écart, en direction de cette ville. Le chemin que leur auraient assigné les Allemands est donc plausible. 
 
La description des lieux qu'elles donnent lors de leur volte-face vers Provins semble également plausible. Villenauxe est encaissée dans la vallée de la rivière Noxe. Venant de Nogent on y accède en descendant une légère côte, probablement "la route ouverte et sans abri" qu'elles descendirent. Pour repartir sur Provins, il faut franchir en revanche une côte très accentuée dont on atteint le sommet à environ 2 km de l'agglomération. Là on rejoint le plateau de la Brie et la route est parfaitement plate jusqu'à Provins, distant d'un vingtaine de km. C'est, semble-t-il au sommet de cette côte qu'elles croisèrent ces "motocyclistes français qui tentaient de contacter l'ennemi". 
 
 Il y a une quinzaine d'années, l'association que je préside a recueilli de nombreux témoignages d'habitants sur ces funestes journées. Aucun n'a fait allusion à ce passage d'ambulances alliées au milieux des troupes allemandes. Il n'y a aucun espoir de recueillir de nouvelles informations à ce sujet car la plupart de nos témoins ont maintenant disparu. 

18 septembre 2025

Après vous avoir répondu, cette histoire a continué de m'intriguer et j'ai poursuivi des recherches la concernant.  
 
J'ai eu la chance de découvrir un récit en ligne d'une certaine Bessy Myers, qui était une infirmière compagne de Marjorie Juta et qui était dans la 2ème ambulance qui a tenté d'échapper aux Allemands. Mais elle a été rattrapée en raison d'une déficience mécanique de son véhicule et seule Marjorie Juta a pu s'échapper. 
 
 Concernant "le château Minimum", c'est en fait le château des Minimes, qui se trouve dans le village de Courchamp, à quelques kilomètres au nord de Provins. Il se nomme ainsi parce qu'il avait été un couvent occupé par une congrégation de moines nommés" les Minimes du bois de Vincennes". 
 
Par contre, la découverte du texte de Bessy Myers me pose un problème. Elle écrit que les ambulances se sont enfuies en prenant à droite une route menant à Provins. Or, quand on vient de Nogent-sur-Seine et que l'on se dirige vers Villenauxe et Sézanne, la direction de Provins est à gauche. Peut-être ne s'agit-il que d'une simple erreur d'interprétation dans un récit écrit plusieurs années après les faits, mais il laisse subsister un doute ! 

« Captured », récit de Bessy Myers 
publié par D. Appleton Century Company, New York et Londres, 1942 
(Le texte est dans le domaine public)