Une lettre qui n'arriva jamais à son destinataire.
Page mise à jour le 1er juin 2020
Née GANTIER, le 18 février 1895 à BLENDECQUES d'un père manouvrier et d'une mère couturière, Lucienne HOLLINGDALE s'était mariée à BLENDECQUES le 30 septembre 1921 avec Harry Williams HOLLINGDALE né à Londres le 1er novembre 1881. Ils habitaient HOUPLINES près d'Armentières dans le Nord. Comme sa mère, elle devint couturière. Son mari est décédé le 12 mars 1943 à l'hôpital d'Armentières (avec un enregistrement en date du 5 mai 1944). Vétéran du corps expéditionnaire anglais pendant la première guerre mondiale, il était resté sur le sol français pour y devenir jardinier et avait entretenu les cimetières militaires du Commonwealth. Les archivistes de la C.W.G.C. (Commonwealth War Graves) à Londres ont confirmé cet emploi. Lucienne (Lucy) HOLLINDALE est décédée à CALAIS le 28 janvier 1984.
Dès juin 1940, elle entra en Résistance contre l'occupant allemand en aidant les soldats anglais perdus dans la région du Nord. Avec sa bicyclette elle sillonna les routes du Nord et du Pas de Calais pour leur porter assistance.
Elle parcourait parfois plus de 100 kilomètres dans la journée. On la retrouve à Rosendaël avec l'Abbé Bonpain, à Saint Omer, à Merville, à Douai, à Arras, en Belgique.
Elle fut recrutée ensuite par Monsieur Robert POUILLE d'Armentières dans le réseau de Résistance "VOIX DU NORD", aux côtés de Maurice PAUWELS, Kléber RINGOT, Henri PIERREUSE, mais aussi auprès du futur maire de la commune Mr VAN KEMMEL.
Et puis un jour d'août 1943, après avoir aidé des aviateurs américains, la chance finit par l'abandonner. Dénoncée, elle fut arrêtée par la gestapo. Emprisonnée à Loos lez Lille, Douai, elle y fut torturée puis déportée. Elle connut pas moins de 10 lieux d'emprisonnement et de déportation en Allemagne. Elle fut libérée le 6 mai 1945 à Waldheim.
Elle ne rentra pas directement à Houplines où son mari était décédé en 1944 à la suite de graves blessures consécutives aux coups subis lors de leur arrestation mais s'installa pour quelques mois à Londres, probablement dans la famille anglaise de son défunt mari.
De Londres où elle habitait alors, elle écrivit une longue lettre à un des aviateurs américains qu'elle avait aidé : le 2/Lt William F MIDDELDORF.
Lors d'une mission de bombardement sur le terrain d'aviation de Vitry en Artois, un chasseur allemand en détresse était venu s'écraser sur un bombardier de la formation. Ce bombardier est entré ensuite en collision avec le B-17 piloté par le 2/Lt MIDDELDORF.
Son équipage dut se finalement résoudre à sauter en parachute au dessus de Sainte Marie Kerque. C'est au cours de son évasion qu'il fut aidé par Lucille HOLLINGDALE.
Cette lettre, retrouvée dans les archives américaines des dossiers "French Helpers", n'est malheureusement jamais arrivée jusqu'à son destinaire.......
Avec l'aide d'amis américains, nous avons tenté de retrouver la famille de cet aviateur américain pour leur transmettre une copie de cette lettre. (Tous mes remerciements à Fred, Henry, Ron et Mickaël)
Un premier contact a pu être établi avec Mr Robert MIDDLEDORF, fils du Lieutenant William MIDDLEDORF.
Lucille Holliingdale et sa bicyclette (1942) - Sources : Dossier French Helper NARA
"Cet officier fut un des derniers que j'ai aidés. La lettre me fut retournée" -
22/05/1946
Cher M. William.
Vous serez très surpris d’entendre parler de moi après si longtemps. Comment allez-vous, je me demande si vous vous souviendrez de moi. J'étais dans le mouvement de la Résistance, La Voix du Nord, j'ai dîné avec vous et Mr Francis (* il s'agit du 2/lt Xavier HARKINS *) chez Mr Pouille à Armentières à qui vous avez écrit tout récemment. Je suis très contente que vous soyez en sécurité et nous aimerions entendre aussi cela pour les autres. Comme tu sais, j'ai été arrêtée par la Gestapo le 22 août 1943. J'ai été courageuse pendant 3 ans, j'ai fait mon devoir pour notre pays et pour sauver la vie des garçons. J'ai été battue, torturée sauvagement par la Gestapo, personne ne peut réaliser ce que j'ai eu à subir pendant deux ans! J'étais à Douai pendant sept semaines, et j'ai été torturée deux fois par jour pendant sept semaines. Je me demande pourquoi je suis toujours vivante. J'ai été dans 14 camps et prisons différents en Allemagne pour le travail, mais je n'ai jamais parlé, ils n'ont jamais rien eu de moi depuis le jour où la Gestapo m'a emmenée car vous savez que j'étais très occupée avec vous et les autres pour votre nourriture et vêtements tous les matins. J'étais occupée à préparer mon panier et mon sac avec de la nourriture, à apporter à votre ami l'après-midi, et le soir même, je devais vous emmener chez moi pendant quelques jours avec Francis, Dieu était avec moi tout le temps . Vous pouvez imaginer si la Gestapo était venue le soir et vous retrouver tous les deux chez moi. Nous aurions été fusillés. Souvent, je pense à cette terrible journée et je vous vois, deux pauvres garçons, nous avons fait de votre mieux, pour vous tous, j'ai sauvé de très nombreuses vies, je ne peux pas les compter. C'est trop et, pour beaucoup d'entre eux, je ne connais pas leur nom ! Car comme vous le savez, nous ne pouvions garder aucun nom ni adresse en cas d’arrestation. Quand j'ai été arrêtée au moment où les policiers de la Gestapo sont sortis de leur voiture pour m'emmener, j'ai eu le temps de brûler tous les papiers et vos photos que j'avais ! Ils ont fouillé tous les coins de la maison pour trouver des documents et des boys de la RAF, mais je suis tout aussi intelligente qu'eux, ils n'ont jamais rien trouvé. Nous avons eu une grosse bagarre dans ma maison entre la gestapo et mon mari quand ils ont remarqué les drapeaux américain et anglais et les photos de M. Roosevelt et M. Churchill. Je pensais qu'ils nous auraient tiré dessus tous les deux. Je suis vraiment désolé de n'avoir plus revu mon mari, il est décédé quelques mois après mon départ. Le gestapo l'a tué, il est mort des suites de ses blessures, vous pouvez donc voir quelle sorte de vie j'ai maintenant. Je suis seule sans enfants et pas encore bien après deux ans de famine. Je n'ai certainement aucune pitié d'eux car ils peuvent tous crever de faim et mourir. Il y a des gens bien partout, mais j'ai trop souffert avec eux et tout ce que vous voyez sur la photo ou lisez sur la lettre est vrai. Je peux raconter une longue histoire que je veux écrire plus tard. C'est une française qui m'a dénoncé à la gestapo, elle a fait du bon travail pour le pays mais c'est dommage qu'elle ait tout donné, nous étions une cinquantaine de personnes arrêtées pour la même chose, mais j'ai tout nié. Tout ce que j'avais admis fut d'avoir donné des vêtements civils aux soldats et pour cela j'ai été condamné à 15 ans de travaux forcés. Une autre femme qui avait travaillé avec une autre pour passer le soldat et le faire sortir de France a été condamnée à 25 ans. Son mari a tout raconté à la gestapo, ils sont morts tous les deux dans la chambre à gaz, c'est terrible quand on y pense. Vous pouvez voir comment nous avons souffert pour sauver les garçons des forces aériennes américaines et anglaises. Je dois te dire la vérité. Je suis content de tout ce que j'ai fait. Je sais que j'ai mis beaucoup de vies en sécurité. Je ne suis désolé que pour mon pauvre mari!
Je proteste fermement contre leur donner toute la nourriture que nous aurions voulu pour nous-mêmes. Le mineur français qui refusait de travailler dans la mine parce qu'il n'avait pas assez de nourriture, les Allemands les emmenaient en prison et les envoyaient en camp de concentration en Allemagne et maintenant notre gouvernement leur donne tout ce qu'il y a de mieux; il dit qu'ils meurent de faim. Je n'y ai rien cru, la troupe est trop amicale avec eux tous! Je voudrais être responsable d'une prison pour toute la Gestapo.
A Noël 1944, j'ai cassé ma cuillère et pour cela ils m'enfermèrent dans une chambre noire. Il faisait très froid. Je n'avais pas de couverture, pas de lit, un petit morceau de pain et de l'eau pour la journée. J'ai fait quatre jours pour tout ça. La punition était sur la nourriture, on ne nous permettait pas de parler de dire bonjour, il ne fallait rien dire.
Ce fut du bon boulot ils ne t'ont pas rattrapé, ils ont tiré sur un bon nombre de pilotes c'est dommage! Je vais maintenant vous demander si vous me recommanderiez à notre gouvernement britannique car vous êtes témoin de tout ce que j'ai fait pour tous les pilotes et soldats britanniques et américains. Ils doivent tout savoir et je serai fière de recevoir une médaille. Saviez-vous que M. Pouille et 3 messieurs que vous avez vus, l'un d'entre eux a vécu en Amérique. Les quatre ont également été arrêtés, deux d'entre eux sont morts de faim en Allemagne et bien c'est tout pour le moment. J'espère que cette lettre vous trouvera en très bonne santé. Je voudrais avoir de vos nouvelles et si vous avez une photo de vous, je serai heureuse d'en avoir une.
Donnez mon très bon respect à votre famille avec mes meilleurs vœux. Votre très sincère Lucy M.E. Hollingdale
PS: veuillez excuser ma très mauvaise écriture.
Dossier "French Helper" NARA
Lucienne Hollingale rédige depuis Londres, un long rapport sur ses activités de Résistance au Major WHITE qui commandait les militaires chargés d'établir les dossiers des aidants français pour les remercier de leur aide. Le nom du Major WHITE est d'ailleurs régulièrement retrouvé dans un grand nombre de ces dossiers puisque son service centralisait l'ensemble des dossiers français. L'adresse d'envoi des réponses, des questionnaires...... était la suivante :
Monsieur le Commandant John F. WHITE
MIS-X Detachment - United States Forces - European Theater
Hôtel Majestic - Bureau 504
Rue La Pérouse
PARIS (16 ème)
Lucille Holliingdale le 6 juin 1939 à Houplines - Sources Sources https://jenjen999.wordpress.com/2014/02/08/lucille-hollingdale. (...................Mes parents se sont liés d'amitié avec elle et lui ont rendu visite en France où elle vivait seule, dans la pauvreté, sans jamais se remarier. Elle avait été contrainte de demander l'aide de la Royal British Legion et de la Royal Air Forces Escaping Society pour obtenir une pension de la part de la Grande-Bretagne. Le maréchal en chef de l'air, Sir Basil Embury, avait également été impliqué. En tant que ressortissante française mariée à un sujet britannique, la question de sa pension n'a probablement jamais été totalement résolue. Elle reçut une médaille de l'Empire britannique en 1947 pour son courage; elle était Chevalier de la Légion d’Honneur. Elle est probablement décédée en 1995. Ces histoires se perdent si facilement dans la fragilité de la mémoire qu'elles ne sont souvent jamais écrites - en tant qu'historiens de la famille, nous devrions les garder..................)
[Traduction du Dossier NARA - Rapport d'activités envoyé au Major WHITE MI9 X Detachment - reçu le 5/09/1946]
Cher Monsieur.
Pendant trois ans, je me suis consacrée à aider nos garçons britanniques et vos garçons américains qui m'étaient chers.
Par tous les temps, je suis sortie avec de la nourriture et des vêtements civils sur mon vélo depuis tôt le matin jusqu'à la tombée de la nuit et couvrant parfois près 120 kilomètres par jour, avec toutes les difficultés pour aller de l'autre côté d'une rivière dans un petit bateau à rames, ou quand l'eau n'était pas très haute, je me déshabillais et traversais la rivière avec toute ma charge. Je fus parfois à quelques moments, dans une grande difficulté, mais j'ai toujours réussi à faire ce que je voulais avec une grande patience. Je fis face à tous les dangers pendant 3 ans.
J'ai tout acheté au marché noir et j'en ai gardé tout le secret pour moi. J'ai travaillé seule pendant longtemps puis quelques amis sont entrés dans le mouvement de la Résistance (La Voix du Nord) nous avons fait un travail magnifique. Ils voulaient que je me joigne au groupe d'espionnage. J'ai accepté. Je me suis entraînée pour ça. J'étais la petite femme britannique intelligente. Je n'avais peur de rien. Je souriais toujours à n'importe qui. Je rencontrais parfois des soldats ou officiers allemands et, d'une manière charmante, j'utilisais cela pour poser des questions sur une chose ou une autre. J'arrivais toujours à obtenir des informations. J'étais très fière de revenir le soir avec des nouvelles et de tout donner à mon chef espion qui s'appelle Mr POUILLE. Désormais il est Député du gouvernement français. Son adresse est "Rue Jean Jaurès, Armentières, Nord". Tout a été fait chez lui.
Je ne pouvais rien faire chez moi à cause de notre nationalité britannique. Les Allemands étaient très souvent chez nous pour voir ce que nous faisions, tout m'était interdit. Je n'étais pas autorisée à sortir dans un rayon de plus de 5 kilomètres ! faire de la bicyclette ! sortir seule ! aller pêcher en bateau ! en train ! en autobus ! nulle part ! mais j'ai quand même utilisé un vélo tous les jours et jamais à moins de 50 à 120 kilomètres. Parfois, j'étais absente quelques jours, les Allemands ne m'attrapaient jamais, chaque fois qu'ils venaient, à n'importe quel moment, ils me trouvaient toujours à l'intérieur de ma maison. J'ai eu de la chance pendant 3 ans.
Je dois dire que ce sont des gens intelligents, mais aussi des gens stupides. Je devais me présenter à la Kommandantur de Lille à la police allemande supérieure tous les mercredis et, aussitôt sortie, j'avais une réunion dans un petit café à proximité avec de nombreux autres membres de la Résistance, où je prenais des dispositions pour sauver les parachutistes.
J'étais la seule à faire du vélo sur de longues distances dans le Nord, le Pas de Calais, une partie de la Belgique et de la Somme. Faire passer le message d'un groupe à un autre. Je sortais aussitôt que le R.A.F arrivait, j'entendais le bruit de l'avion. Je me disais "qu'ils viennent par ici". Je prenais aussitôt mon vélo et les suivais avec de la nourriture et des vêtements civils et j'allais aussi loin que je pouvais. Parfois, un était abattu, et parfois non, c'était très difficile parce que les Allemands étaient sur la route et tiraient sur les gens. Je peux dire que Dieu a toujours été avec moi et m'a aidée partout. Ensuite, ils étaient logés dans les maisons et on devait rapidement prendre des dispositions pour les renvoyer en Angleterre.
Avec un aumônier, M. Bonpain de Rosendaël près de Dunkerque, nous avons fait beaucoup de bon travail ensemble, il était le chef de cette zone mais malheureusement, il a été arrêté par la Gestapo. Il a été très courageux, il leur a résisté, il n'a jamais parlé ni livré aucun de nous à l'allemand ou donné une quelconque information. Je suis vraiment désolée de dire qu'il a été abattu à la prison de Lille, il a été torturé sauvagement. Combien de vêtements j'ai utilisé pour passer les jeunes aviateurs d'un endroit à un autre de chez M. Bonpain à ma maison, ils y restaient un jour ou une nuit. Tôt le matin, je faisais en sorte de les remettre à la gare d'Arras à Mme Didier pour qu'ils prennent le chemin de l'Espagne via Annecy (Haute Savoie) (De nombreux évadés pris en charge par les réseaux Ian Garrow et Pat O'Leary sont effectivement passés par Annecy et Grenoble)
Nous avons eu un grand groupe de mouvement clandestin à DOUAI, beaucoup d'entre eux ont été arrêtés. Je ne sais jamais su comment ça s'était passé, mais un par un. Je crois qu'il peut s'agir d'une cinquantaine d'hommes et de femmes, nous nous connaissions tous sous un faux nom. Une femme me transmettait toutes les informations de son secteur, à cette époque, j'ai eu le plan de l'aérodrome allemand de Vitry (* Vitry en Artois *) près d'Arras et de Douai et nous l'avons envoyé en Angleterre.
Le dernier jour, j'ai vu une Française, Mme NICE ( Mme NISSE ) 24 rue d'Anjou Douai, à midi, elle me dit ,"à côté de chez moi, il est arrêté. J'ai peur que mon tour vienne ensuite." Elle est vite partie pour ne pas être rattrapée mais malheureusement un jour de mai à 4H 00, 6 policiers de la gestapo avec mitraillette sont venus à son domicile chercher des documents et des aviateurs, mais ils n'y ont jamais rien trouvé. Malgré cela, ils l'ont emmenée en prison. On m'a vite dit de prendre soin de moi parce que si elle parlait, j'étais dedans!
Arrêtée en mai, pendant tout ce temps, je pensais qu'elle ne parlerait pas, car nous avions promis de ne donner personne de toute façon. Alors j'ai continué mon travail, je ne m'inquiètais pas. Je gardais toujours notre rendez-vous au petit café rue Jeanne Maillotte à Lille. La vieille dame du café, elle nous connaissait bien, et connaissait aussi le gestapo, quand elle pensait que le civil bien habillé avec un petit sac en cuir était de la gestapo, elle avait l'habitude de faire de petits yeux et de ne pas nous parler, on comprenait vite ce que ça voulait dire, on ne parlait plus, la police de Pétain s'est aussi obstinée à nous surveiller. Cet endroit était surveillé depuis longtemps, jusqu'à ce que je sois arrêtée moi-même.
Quand j'ai été arrêtée, j'avais bien 6 pilotes américains : l'équipage d'un bombardier lourd qui avait été abattu à Bourbourg près de Calais. 4 hommes étaient morts brûlés. Le capitaine avait été capturé par les Allemands et nous devions sauver 4 hommes du même avion et 2 pilotes d'avion de chasse. Le matin où j'ai été arrêté, je rentrais chez moi après avoir apporté de la nourriture à un endroit à Frelinghien (* Il s'agit de Mr et Mme Demagt qui seront également déportés *). J'avais tout mon panier prêt à aller dans un autre endroit dans l'après-midi, les garçons m'attendaient, mais ils ne me m'ont plus revue. Ce fut mon dernier travail à 12 H midi le 22/08/1943, la gestapo est venue frapper à toutes les maisons et a demandé Mme Hollingdale. J'ai répondu que oui, alors il a dit : "Je suis la police secrète allemande et je veux visiter votre maison alors je lui ai demandé pourquoi sans perdre mon sang-froid."
Il remarqua rapidement la photo de M. Churchill et M. Roosevelt et les drapeaux britannique et américain, puis la "guerre" a commencé, il a fouillé partout, il n'a jamais rien trouvé, il voulait nos garçons de l'aviation Puis il demanda ma carte d'identité, il la mit dans sa poche et me dit "Je te donne dix minutes pour te préparer". Il est alors sorti pour dire quelque chose à l'autre gestapo qui attendait au coin de la rue. À ce moment-là, il n'était plus dans la maison. Je pris alors tous mes papiers, documents, adresses et photos, tout cela réuni dans un seul paquet et je mis le tout au feu. Ce fut un travail magnifique, ils n'avaient aucune preuve de quoi que ce soit. Ils pouvaient fouiller chaque recoin, partout ils ne trouveraient jamais rien. Nous avons eu alors un grand combat dans ma maison, mon pauvre mari a été sauvagement battu à l'estomac. Je ne le revis jamais, il décéda des suites de sa blessure peu de temps après mon départ en prison.
Le soir même de mon arrestation, deux garçons des Forces aériennes américaines devaient venir chez moi. C'était un bonne chose que la gestapo vienne au dîner sinon nous aurions tous été abattus. Vint ensuite la torture à la prison de Lille et à Douai. Je suis restée à Douai sept semaines, ce fut terrible, j'ai été battue avec un bâton un barreau de chaise, ils m'ont étranglée, m'ont traînée par les jambes, ma tête cognait contre les murs à chaque fois, m'ont cassé une dent, m'ont brûlé la poitrine avec une cigarette, m'ont mis le doigt dans la porte, m'ont traînée par les cheveux, m'ont sorti un ongle d'orteil. J'étais un peu évanouie et ils m'ont laissée seule quelques minutes, puis ils ont recommencé, ils m'ont mis des chiffons dans la bouche pour que je ne puisse pas crier. Des pieds à la tête, j'étais toute noire et pleine de sang sur moi. Tous les jours, c'était la torture. J'ai passé sept semaines dans cet endroit terrible. Ce n'était pas mieux que Belsen. J'ai été sauvagement torturée pendant une semaine, mais je n'ai jamais parlé. J'aurais plutôt voulu être tuée que de donner des informations aux Allemands, sur n'importe quel soldat ou membre de la Résistance.
Je suis allé dans 14 camps et prisons différents en France, en Belgique et en Allemagne. Le pire fut quand j'ai été affamée et battue. Je ne peux pas encore récupérer de tout ce que j'ai subi. Je peux dire que j'ai été très courageuse et peu importe qui et où. Personne n'a pu faire plus que moi, autant, mais pas plus.
Ce serait trop long de vous raconter toute mon histoire et croyez-moi, je pense que je ne veux plus en parler car j'ai toujours la gestapo devant moi.
Je me demande toujours comment je suis encore en vie. Je ne peux pas réaliser après toutes ces tortures. J'ai écrit il y a quelques mois à l'officier commandant le QG américain 20 Gosvenor square Londres en leur donnant une de mes photos pour la publier afin de retrouver des garçons que j'avais aidés. Je n'ai jamais eu de réponse à ma lettre, elle a été enregistrée.
Je m'attends à arriver en France fin septembre (ou octobre). J'aimerais beaucoup vous voir et vous dire tout ce que je peux. Vous apprécierez mon merveilleux travail d'il y a 3 ans. J'ai joué aux cartes avec deux de vos officiers pilotes américains deux gentils jeunes garçons, le lendemain, le 22 août j'ai été arrêtée, c'est un très mauvais souvenir pour moi. Je suis vraiment désolée de ne pouvoir vous donner aucun nom des garçons que j'ai aidés et mis en sécurité comme je vous l'ai dit. J'ai tout fait et ce qui a permis de faire pour protéger beaucoup de gens. Je joins une lettre que j'ai écrite à l'un d'eux et la lettre m'est revenue hier.
Je dois vous dire que j'ai été libérée par votre grande armée et les Russes. J'étais à la prison de Waldheim (Saxe) Merci beaucoup à vos grands soldats. J'étais folle quand je les ai vus pour la première fois. C'est un jour que je ne vais jamais oublier.
Voici les noms de personnes qui m'ont aidée.
- Madame Boidin (Bouchère) Route Nationale - La Chapelle d'Armentières Nord France : fourniture de viandes
- Madame Vautier (Bouchère) Rue de Lille - Armentières Nord France : fourniture de viandes
- Mademoiselle Marthe Hennion - Grand moulin de Merville Nord : ravitaillement en farine pour faire du pain.
Voici une liste de noms de personnes de la Résistance (La VOIX du NORD)
- Mr Robert Pouille - Armentières député du gouvernement français, a été déporté
- Mr Georges Van Kemmel - maire d'Armentières (échappé des Allemands)
- Mr (Abbé)Bonpain de Rosendaël (Torturé et fusillé par la gestapo dans une prison de Lille) (Fusillé au fort de Bondues en 1943)
- Mr Didier d'Arras a été fusillé. Mme Didier est morte dans une chambre à gaz en Allemagne
- Mr Kléber Ringot de la Chapelle d'Armentières mort sous la torture en Allemagne
- Mr Paul Petit mort sous la torture en Allemagne.
Il y en a encore plein. Nous ne nous connaissions que par des faux noms. Nous avons fait de notre mieux pour tous les Boys Américains et Britanniques. Tous chers à mon coeur. Pour eux, mon mari a donné sa vie et j'aurais donné aussi la mienne. Personne ne sait tout ce que j'ai fait. J'ai souvent coupé tous les fils permettant les communications téléphoniques allemandes, partout où j'allais. S'ils savaient tout ce que j'ai fait, ils m'auraient coupée en petits morceaux. Je termine là et j'espère vous voir en France très bientôt.
D'une grande héroïne de France.
Lucy Hollingdale.
[Courrier du 28 juin 1947]
Adresse rue de Lille à Houplines - Elle remercie le Capitaine John T PERRY de son invitation pour la cérémonie du 5 juillet 1947 . Elle est contente de le rencontrer et de lui raconter son histoire, son travail pendant 3 ans mais aussi de sa captivité et des tortures qu'elle a subies pour la victoire.
[Interview du 10/07/1945 au 11 Milner Square - Islington - LONDON - N.1]
Mme Hollingdale est la veuve d'un employé britannique de la commission impériale des sépultures de guerre, décédé en mars 44. Elle déclare qu'elle a assisté le personnel des services britanniques de juillet 40 jusqu'à son arrestation par la gestapo le 22 août 43. Elle déclare qu'elle était membre d'une organisation dénommée "La Voix du Nord", dirigée par Mons. POUILLE, Ingénieur, rue Jean Jaurès, Armentières. Monsieur POUILLE a été arrêté cinq mois après Mme HOLLINGDALE et elle ne sait pas ce qui lui est arrivé.
Le rôle de Mme HOLLINGDALE dans le travail de l'organisation consistait principalement dans la collecte et la distribution de nourriture pour les évadés qu'elle transportait à vélo, parcourant en moyenne 80 à 100 km par jour en plus de ses journées de travail. Elle n'abritait les évadés que très occasionnellement et jamais plus une nuit à la fois car elle ne disposait pas d'installations adéquates mais elle était aussi chargée de fournir des cartes d'identité et de convoyer les évadés d'ARMENTIERES à LILLE.
Au moment de son arrestation, Mme HOLLINGDALE a pu brûler la plupart des papiers et registres des membres qu'elle avait aidés et elle n'est donc pas en mesure de donner des détails très précis à leur sujet. Elle a cependant donné les informations suivantes au mieux de ses capacités.
Elle a commencé par aider 12 soldats, ex B.E.F. et tous blessés, qui avaient été aidés pour s'échapper de l'hôpital local après l'effondrement de la France. Ses informations à leur sujet étaient vagues, mais les deux suivants ont été identifiés.
- 1072355 Bdr MARSHALL, J. ex R.A (Fd) - Rapatrié d'Allemagne en octobre 43. Libéré de l'armée le 1er janvier 44. Adresse: 46 Beaumont Hayes Lane, Abbey Lane, LEICESTER.
- 5114088 Sdt MARLEY, P ex-Royal Warwickshire Regt. Rapatrié d'Allemagne oct. 43 Libéré de l'armée le 23 juillet 44. Adresse: 6 Rodwell Grove BIRMIMGHAM
Mme Hollingdale a fourni toute la nourriture et les vêtements qu'elle pouvait à :
- Melle FOUGERE CODESQUIRE? près de MERVILLE: a hébergé deux hommes pendant 18 mois, période pendant laquelle Mme HOLLINGDALE a fourni de la nourriture et des vêtements. (le Pte Alexander BINNIE et le Fusilier John WEIGHTMAN)
- Jack GRASSEY (?), Un Écossais, qui avait environ 19 ans à l'époque, a été hébergé pendant neuf mois dans un petit bungalow en bois sur la Route Nationale au NIEPPE, et fournit également de la nourriture et des vêtements par Mme HOLLINGDALE. En 1941, GRASSEY a été capturé et aurait donné les noms d'une trentaine de Français, dont certains ont été abattus. (Nous ne pouvons pas identifier ce soldat)
AUTRES AIDANTS:
- Monsieur LANSER (* Il s'agit de Mr LANSELLE *) Épicier, rue d'Arras ST OMER: déporté en 1942 pour son aide aux évadés - aucune autre information sur son sort. A eu cinq jeunes enfants dont quatre ont été tués lors d'un raid de la RAF après la déportation de LANSER.
- Monsieur LOURDREL ( * Il s'agit de Mr LOURDEL *) Carrossier rue d'Arras ST OMER: Dénoncé et abattu début 1942
- Mme MARESCAUX Cité du Cheminot LOMME également Mmes Marie Louise DUPONT et SENECHAL toutes deux de LOMME: Ces trois femmes ont toutes été dénoncées par un englisman du nom de Jack ................ Employé de l'Imperial Graves Commission. Cette information a été donnée à Mme HOLLINGDALE lors de sa rencontre avec Mme SENECHAL en prison. Mme SENECHAL a été libérée vers le mois de mars 45. Ces trois ont abritées des évadés de 1940 au début de 1943.
- Mme AIGON (* Il s'agit de Mme HENNION *) MERVILLE: appartenait à une riche famille de meuniers qui apportaient une aide financière aux évadés et de la farine pour leur faire des pains et des biscuits.
De la nourriture a également été fournie aux évadés par:
- Monsieur BRODIN (* Il s'agit de Monsieur BOIDIN *), Boucher, La Chapelle d'Armentières
- Mme JUST (fille de Monsieur BRODIN) ARMENTIERES
- Monsieur PIERREUSE, Droguerie, Rond Point ARMENTIERES
- Mme VINCENTE? Adresse inconnue, qui habitait près de la gare de Lille. (On trouve Mr et Mme Georges VINCENT, 12 rue Albert Thomas à Lille, dans la liste des Helpers - rue située non loin de la gare - réseau EMPTT - Monsieur est mort en déportation)
- Mme NICE (* Il s'agit de Mme NISSE *) DOUAI (épouse d'un capitaine de l'armée française). Mme NICE aurait donné un nombre considérable d'aidants sous la torture.
[Courrier en date du 5 mai 1947 du Capitaine John T. PERRY à Mme HOLLINDALE ]
Nous avons bien reçu votre lettre et nous vous remercions de nous avoir donné votre nouvelle adresse. Nous avons aussi trouvé l'article de journal concernant vos activités durant l'occupation très intéressant and nous vous l'avons renvoyée comme vous l'aviez souhaité.
En 1947, elle rentra à Houplines dans la maison qu'elle habitait jusqu'au moment de son arrestation.
[Sources Dossier NARA]
20/03/1947 Lettre au Major John White de Mme Lucy Hollingdale - Sentier de Lille - Houplines
Cher Monsieur,
J'ai quitté Londres depuis octobre 1946. Je suis maintenant de retour en France où j'habitais à l'époque de mon arrestation par la Gestapo. J'inclus ce petit journal qui racontera une petite histoire de mon travail pendant trois ans avant mon arrestation en août 1943. Voulez-vous bien me rendre ce papier car j'aimerais le garder en souvenir de mon grand travail que j'ai fait pendant l'occupation allemande, mon travail était merveilleux. Mon chef était M. Robert Pouille, 71 rue Jean Jaurès Armentières France. Vous m'aviez écrit l'année dernière au 11 Milner Square Islington à Londres, j'ai quitté cet endroit pour 16 Briar Road, Pollard Hill South Norbury London. A partir de cette adresse, on me trouvera toujours car ils sont membres de ma famille. Avec mes meilleurs vœux à tous les garçons que j'ai aidés.
A ce jour, l'article de journal, datant probablement de 1947, que Lucienne HOLLINGDALE souhaitait récupérer, n'a pas été retrouvé dans les archives de "LA VOIX DU NORD". D'autres plus récents avaient été archivés.
Sources : Archives du Journal "LA VOIX DU NORD"
Sources : Archives du Journal "LA VOIX DU NORD" : Lucienne Hollingdale avec Mr Evans, Consul de Grande Bretagne - le 11 novembre 1974
Sources : Archives du Journal "LA VOIX DU NORD"
A ce jour, la liste des aviateurs et des soldats alliés aidés par Lucienne Hollingdale avec les preuves attestant de son aide, est la suivante :
- E&E 114 2/Lt William F MIDDLEDORF/ Squadron : 569/ Groupe : 390 / USA USAAF
- E&E 115 2/Lt Francis Xavier HARKINS/ Squadron : 569/ Groupe : 390 / USA USAAF
- E&E 343 S/Sgt James A KING/ Squadron : 365/ Groupe : 305 / USA USAAF
- E&E 348 S/Sgt Walter J SENTKOWSKI/ Squadron : 569/ Groupe : 390 / USA USAAF
- E&E 471 2/Lt Joseph Allen BIRDWELL/ Squadron : 569/ Groupe : 390 / USA USAAF
- SPG 1458 F/Lt Walter Allan Grenfell CONRAD : Squadron 403 Canada RAF
- SPG 2552 Pte Alexander BINNIE/ Squadron : / GB Army
- SPG 2553 Fusilier John WEIGHTMAN/ Squadron : / GB Army
La page 5 du rapport d'évasion du Lt MIDDELDORF confirme sa présence lorsqu'il était avec le Lt HARKINS et F/Lt CONRAD chez Mr Robert POUILLE à Armentières : Lucy (British) plus tard prise par les Allemands . On peut y lire aussi le prénom Maurice : il s'agit de Maurice PAUWELS de Lille ainsi que le nom de Mr Georges VAN KEMMEL pharmacien, futur maire d'Armentières.
Elle est également indirectement citée dans le rapport (SPG 1458) du F/Lt Walter CONRAD, pilote de chasse canadien de la RAF tombé à BAMBECQUE, non loin de BERGUES. Son spitfire était entré en collision avec un autre spitfire lors d'un combat contre des chasseurs allemands au dessus de Dunkerque.
Il est arrivé chez Mr VAN KEMMEL dans un camion chargé de bois. Les employés de Monsieur Michel FOSSAERT qui l'a convoyé jusqu'à Armentières, avaient préparé une cache au milieu des planches du chargement.
Monsieur Michel Fossaert lui indiqua que la destination était atteinte en utilisant le code défini au moment du départ : plusieurs coups portés sur la carrosserie du camion. Ne recevant aucune réponse de Walter CONRAD, les Résistants d'Armentières et Monsieur Michel FOSSAERT crurent alors que l'aviateur était mort pendant le transport, écrasé par les planches. Le camion fut donc déchargé et l'aviateur, fort heureusement, retrouvé vivant.
Ayant cru entendre parler allemand, celui-ci n'avait pas osé répondre de sa présence en frappant le code de communication convenu au préalable avec son convoyeur. (Sources : Monsieur FOSSAERT, petit-fils de Michel FOSSAERT qui a été reconnu comme French Helper à Bambecque)
Pour le Pte Alexander BINNIE et le Fusillier John WEIGHTMAN, ils passèrent par de nombreuses communes dont BLENDECQUES et SAINT OMER et furent ensuite placés jusqu'à la fin de la guerre non loin de MERVILLE. Leurs rapports d'évasion en témoignent et les informations données se recoupent avec celles du rapport NARA de Lucienne Hollingdale.
D'autres SPGs de soldats anglais livreront peut-être d'autres informations. Certains témoignages, invérifiables actuellement, lui attribueraient une aide à pas moins de 200 aviateurs ou soldats alliés dont le célèbre Douglas BADER, principalement aidé dans le secteur de SAINT OMER. Ce qui semble à ce jour assez improbable, même si on sait que Mme Hollingdale se rendait parfois à bicyclette à BLENDECQUES, non loin de là, pour rendre visite à sa mère.
Sources : Association "Houplines toute une histoire". William HOLLINGDALE est décédé le 12 mars 1944 et l'acte n'a été enregistré que le 5 mai. L'adresse du 112 rue Sadi Carnot correspond à celle de l'Hôpital d'Armentières.
Sources : Archives de la C.W.G.C à Londres.
L' article du 13 mars 2009 du journal américain WASHINGTON POST apporte de nouvelles informations sur le Colonel William MIDDELDORF.
Crédit photo : journal Washington Post